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Je m'étais réveillé sur des rochers en contrebas de l'île. Normalement, ce n'était accessible qu'en tombant du verger... Heureusement pour moi qu'il s'agissait de gros cailloux presque plats et pas pointus...

Une fois mes idées remises en place, je me sentais nauséeux. Et courbaturé. Un rapide tour du propriétaire m'indiqua alors que j'avais de quoi ; des bleus, hématomes, griffures et écorchures couvraient mon corps.

Clairement, je m'étais battu. Et comme il n'y avait qu'une seule autre personne sur cette île, ça ne pouvait être qu'avec Maximilian.

– Max ! hurlais-je alors en me relevant difficilement. Max ! tu m'entends ?

Il n'était pas à mes côtés. Soit parce qu'il était sur l'île, soit parce qu'il avait coulé au fond de l'eau.

Je tentais depuis plusieurs minutes de remonter sur l'île, en vain. C'était trop haut pour moi. J'avais mal, ce qui m'empêchait de sauter aussi haut qu'habituellement. J'avais beau désirer plus que tout remonter les rochers et retrouver Maximilian pour vérifier son état, m'occuper de lui, je ne le pouvais pas à cause de cette maudite falaise trop haute et ses courbatures douloureuses, et ça me rendait fou !

Même sous ma forme de loup je ne parvenais pas à atteindre le rebord...

Épuisé et époumoné par mes appels, j'avais fini par abandonner. J'étais vidé de toute énergie, je ressentais la faim et la soif pour ne rien arranger... Sans compter le froid qui mordait ma peau de toute part.

J'avais fière allure, coincé sur mon rocher, nu et vulnérable ! Et dire que Maximilian était peut-être en train de se vider de son sang ou mourir d'hypothermie à quelques mètres !

Ce ne fut qu'une heure plus tard qu'il me retrouva. Ma disparition l'avait alarmé et me retrouver le soulageait grandement – du moins, d'après ce que je vis.

J'avais vraiment l'air d'un redoutable prédateur, en cet instant ; nu et grelottant, recroquevillé sur le côté, attendant la mort ou le sauvetage, subissant les éléments.... et je détestais ça.

Malgré ses évidentes blessures semblables aux miennes, Maximilian avait l'air plus en forme que moi. Il n'hésita pas à sauter de la falaise pour me rejoindre après avoir attaché une corde à un arbre.

– Kaeden, soupira-t-il, enfin je te trouve ! J'ai eu peur que tu ne sois tombé à l'eau... viens là !

Il me força à me relever, alors que mon seul désir était de dormir. Tout en maintenant un semblant de conversation, histoire que je ne sombre pas, il m'habilla comme une poupée. Pour l'occasion, son sweat le plus chaud était de sortie, de même qu'une couverture épaisse et un pantalon.

Une fois rhabillé, il m'installa sur ses jambes tout en frictionnant mon corps à travers la couverture. Peu à peu, la chaleur prit place dans mon corps.

– Oh, ma tête, avais-je alors gémi.

– T'as une sacrée bosse, mais ça ne saigne plus...

J'avais alors touché la partie gauche de mon front, où effectivement, il y avait une large bosse. Et l'odeur du sang m'apparut alors par-dessus celui de la mer.

– Q-Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demandai-je alors.

– Euh... on va parler de ça plus tard.

Je compris tout de suite, à son ton contrit, qu'il avait aussi perdu le contrôle. Nous avions dû nous battre, j'avais fait une chute, par accident ou parce qu'il m'avait balancé, sans doute parce qu'il n'avait pas d'autres choix pour se protéger de moi.

Clairement, je m'en voulais. Au moins autant que j'étais déçu.

Naïvement, je pensais que si nous nous rapprochions, nos Bêtes se toléreraient l'une l'autre, tout serait beaucoup plus simple et la Défaillance un simple petit contretemps à gérer ponctuellement.

Mais les choses étaient loin d'être aussi simple que cela et j'avais peur d'avoir à le quitter pour nos intégrités à tous les deux... J'avais moins peur d'affronter ma Meute ou d'atterrir chez Luther que de le blesser plus gravement que quelques bleus et autres écorchures...

– Pardonne-moi Kaeden, souffla-t-il finalement, je t'ai mis dans un état lamentable...

– Moi aussi je t'ai fait mal...

– Oui, mais toi ça ne fait pas des années que tu es stable... enfin, que tu pensais l'être.

Il me serrait fort contre lui et quelque part, ça me réconfortait. Son visage se perdit dans mon cou, où il déposa un baiser. Je me sentais mal et bien à la fois. C'était assez étrange à ressentir, encore plus à expliquer.

– En tout cas, tu as fait de beaux progrès, me félicita Maximilian. Garder conscience pendant une heure, c'est un grand pas en avant !

Je n'en étais pas véritablement fier. Ou même certain qu'il n'en rajoute pas un peu pour m'encourager. La seule chose que j'avais en tête, c'était que ma Bête l'avait blessé – que je l'avais blessé.

Quand j'avais retrouvé l'île, j'avais alors pu constater moi-même les dégâts que nous avions occasionnés tous les deux ; le verger était sens dessus dessous, une partie du potager aussi. La terre portait les marques de nos griffes, des branches d'arbres jonchaient le sol, la table et les chaises de la petite terrasse avaient traversé l'île pour se retrouver près des arbres...

– Bon sang, mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? soufflai-je en traversant le verger. C'est toi et moi qui...

– O-Ouais... n'y fais pas attention, on remettra de l'ordre après.

Je ne pouvais pas détacher mon regard de tout ce capharnaüm... Ce que je redoutais le plus était vraiment arrivé ; on s'était battus. Et pas qu'un peu.

Même si nous n'étions pas blessés gravement, c'était le principe même de s'affronter qui me glaçait le sang.

Comment ferions-nous pour vivre ensemble si on ne pouvait pas cohabiter à cause de nos Bêtes ? Un jour, ça dégénérerait vraiment, et là, ce serait peut-être un mort que l'autre découvrirait à son réveil !

Ça me donnait envie de vomir.

The Wicked Wolf - Kaeden (T1) [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant