J'ai tué.
Ce fut la première pensée que j'avais eue ce matin même en me réveillant. Les calmants que j'avais avalés la veille m'abrutissaient un peu, mais pas au point que j'oublie cela. Je me martelais l'esprit avec cet acte odieux, violent, digne d'une bête sauvage.
Dans un sens, j'étais une bête sauvage ; j'étais un Lycanthrope. Je sais que cela paraît difficile à croire, mais oui, nous existons. Dans le plus grand secret, devant nous cacher de l'humain, quel qu'il soit, en composant avec une couverture plus ou moins crédible... Aux yeux de tous, j'étais un adolescent lambda de dix-sept ans qui allait au lycée de la ville la plus proche de chez lui, je vivais avec un père loin d'être idéal et j'avais perdu ma mère à mes deux ans.
Notre Meute avait environ une trentaine de Lycans et vivait en marge des villages humains alentour. Les gens de la ville nous trouvaient bizarres, à vivre en vase clos sans jamais laisser personne pénétrer dans notre espace de vie... Cependant, étant donné que nous vivions dans des maisons chics et modernes, nous passions pour des bourgeois mystérieux qui préféraient ne pas se mêler au reste de la population locale.
J'imagine que c'était vrai, dans un sens.
Tandis que je m'étirais mollement entre ses draps qui n'étaient pas les miens, on frappa à la porte. Cinq heures sonnaient pendant que mon Chef de Meute pénétrait dans la chambre.
Pour un Lycan, il était d'une stature normale - ce qui, pour un humain, était une carrure plutôt imposante - des cheveux noirs en bataille avec une petite barbe de quelques jours et un look d'adolescent refusant de grandir. Cela avait dérangé les plus vieux au départ, mais son empathie et son autorité naturelle avaient rapidement éclipsé son style vestimentaire...
Son regard ambré d'une intensité singulière parcourra le mien, inquiet. Maladroitement, je tentais de donner le change, même si j'étais incapable de mentir. Surtout pas à mon Chef.
- On part d'ici dans un quart d'heure, dit-il, un sourire encourageant sur les lèvres. Tes affaires sont prêtes ?
Après un regard vers mon sac de sport à demi rempli, j'avais répondu d'un simple hochement de tête. Quitter ses draps pour un si long voyage par cette froide saison ne m'enchantait guère... Cependant, je n'avais pas vraiment le choix.
Premièrement, c'était un ordre de mon Chef de Meute, donc je devais obéir. Deuxièmement, quitter la Meute et ma vie actuelle, j'en rêvais depuis longtemps. Puis, troisièmement, je ne me sentais clairement pas à l'aise dans cette maison.
- Danny a fait des pancakes, soupira-t-il en se relevant, t'as intérêt à en avaler, hors de question que je sois le seul à en profiter !
Daniel, c'était son bras droit. L'un des Alphas les plus populaires et respectés de la Meute et accessoirement le seul qui sache plus ou moins cuisiner sous ce toit. Généralement, ce n'était pas mangeable, mais nous faisions comme si pour ne pas le vexer - et aussi mourir de faim.
Groggy, je m'étais levé pour prendre une douche. J'aurais au moins besoin de ça pour me réveiller et affronter la journée qui m'attendait.
Nous allions enchaîner les transports pour rejoindre mon nouveau lieu de vie - je préférais ne pas dire « foyer » avant d'y avoir mis les pieds. Cet endroit, c'était celui où Edward et sa génération avaient grandi : une île perdue en mer dans les Hébrides Intérieures, où le grand manoir familial s'érigeait avec fierté. Notre ancien Chef, le père d'Edward, avait installé la Meute à terre pour assurer un avenir à celle-ci en l'agrandissant avec d'autres Meutes plus modestes ou des Lycanthropes isolés. Moi et mon père vivions l'un avec l'autre à quelques kilomètres de là, avant de s'installer au sein de celle-ci, quand j'avais huit ou neuf ans.
Je n'avais jamais vu l'île ou le manoir autrement qu'en photo, et les descriptions que les anciens en faisaient étaient toujours les mêmes, loin d'être précises... Le voir de mes yeux serait chose faite d'ici ce soir, si le trajet se passait bien. L'endroit était si isolé que cela nous prendrait la journée pour y arriver...
Peu de temps après, j'étais face à ce qui ressemblait à un pancake cramé. Je m'étais forcé à avaler une bouchée, même si rien n'arrivait à passer dans mon estomac depuis trois jours. Edward et Daniel déjeunaient en silence, me lançant des regards en coin auxquels je n'accordais aucune attention. Ce n'était pas par manque de respect, loin de là ! J'avais juste de sombres images en tête qui voilaient la réalité.
- Tu n'oublieras pas de passer au collège pour Elias, dit alors Edward à Daniel, je lui ai promis qu'il aurait quelqu'un pour sa réunion avec ses profs.
Parmi nous, il y avait aussi des Louveteaux orphelins, répartis dans des familles qui subvenaient à leurs besoins. Et pour certains, elles les avaient adoptées. Edward veillait scrupuleusement à ce que tous aient une vie tout à fait normale.
- Rappelle-moi d'appeler Max, aussi.
Ça, c'était pour moi. « Max » était son frère jumeau, plus jeune que lui d'une dizaine de minutes. Je l'avais à peine entraperçu à Noël dernier. Maximilian n'avait pas quitté la Meute, mais il ne vivait pas parmi nous. Depuis plusieurs années, il s'était établi sur leur île et ne venait que deux ou trois fois par an sur le Territoire. Il ne restait qu'un jour ou deux, j'avais donc peu d'occasions de le croiser...
Ce qui expliquait que je n'avais que de vagues souvenirs le concernant, des images furtives, floutées par le temps qui s'écoulait. Les seules impressions qu'il me restait de lui, c'était qu'il avait une taille et une carrure imposantes, intimidant de loin les Louveteaux et moi.
Et son regard, aussi... Son regard perçant et intense, qui m'avait fait frissonner de peur la seule et unique fois où je l'avais croisé.
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The Wicked Wolf - Kaeden (T1) [MxM]
ParanormalKaeden, un jeune Lycanthrope Bêta, s'attire des problèmes régulièrement. Après une nuit sanglante, il se retrouve orphelin, mais est aussi un tueur. Maintenant instable, son Chef de Meute, Edward, décide de le confier à son frère jumeau, Maximilian...