9 - VOTRE AFFAIRE EST CLASSÉE

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Julie démarre et prends le chemin des Heures Claires sans même passer rendre la clé du cimetière à la mairie. Je parie ma maison que personne ne se rendra compte de rien.

Nous nous arrêtons un peu avant l'allée du manoir pour avoir un bon réseau téléphonique et appeler le commissariat. Après un résumé confus de mon affaire, on me passe enfin le lieutenant Bougival.

— Allo. grogne la voix grave de Bougival.

— Bonjour lieutenant, Mademoiselle Kashinsky à l'appareil...

— Je sais, me coupe-t-elle sèchement. Madame Kashinsky, votre affaire est classée.

— Pardon ?

— Votre affaire est classée. Le corps a été identifié, la scientifique a conclu à une mort naturelle et vous n'avez pas porté plainte.

— Mais... on ne m'a pas tenue au courant.

— Eh bien je viens de le faire.

Bon sang je lui en collerais bien une. Mais elle me mettrait direct au tapis après, je crois. Je m'imagine en train de subir une clé de bras lorsque j'insiste, la voix tremblante de contrariété.

— En fait je vous appelle parce que j'ai découvert des informations importantes et...

— Votre affaire est classée, Madame.

C'est une blague. Je ne sais pas ce qui me prend, je demande à parler au lieutenant Rivière.

— Le lieutenant n'est pas disponible.

— Je peux peut-être rappeler plus tard ?

— Écoutez, Madame Kashinsky, vous n'obtiendrez rien de plus de mon collègue.

— Mais vous pouvez tout de même transférer l'appel.

— Le lieutenant Rivière est en déplacement.

— À Paris ?

Il y a un blanc à l'autre bout du fil.

— Pourquoi ? demande-t-elle sans cacher le soupçon dans sa voix.

— Eh bien vue que j'y habite, ce sera peut-être plus simple de le voir là bas ?

À nouveau un blanc.

— Madame Kashinsky, si vous cherchez juste à obtenir les coordonnées de mon collègue, vous pouviez me le dire dès le départ, et je vous aurais tout de suite dit non.

Je n'arrive pas à répondre tellement je suis horrifiée. Peut-être-Jacqueline pense que je veux seulement récupérer le numéro de Rivière pour flirter.

— Mais non !

— Très bien. Nous en avons donc fini.

— Oui.

Elle raccroche.

Je me rends compte que je n'ai fait part de ma découverte à personne. Elle m'a eue ! Elle a détourné mon attention sur un potentiel flirt avec Rivière pour me déstabiliser et mettre un terme à la conversation ! Quelle maligne cette Jacqueline. N'empêche que le commissariat semble se ficher complet qu'une tombe ait été profanée. Ou plutôt de quoi que ce soit venant de moi.

Mais cette histoire de flirt avec Rivière me rappelle qu'il m'a laissé son numéro personnel avec sa carte. Oui, mais elle est restée dans la corbeille à papier avec celle du psy que m'a conseillé Julie.

Cette dernière me lance un regard pour savoir où nous en sommes. Je lui dis de redémarrer dans le dépit le plus total.

Une fois rentrées à la maison, nous tombons d'accord très rapidement : inutile d'aller visiter les lieux du crime que Julie voulait tant voir, la visite du cimetière lui a largement suffit.

La Licorne était borgneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant