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Je me renfrogne sur mon siège. Je suis vraiment archi nulle. Angèle enquêtrice zéro. Ce serait le titre du bouquin dont je suis l'héroïne.

Je n'ai même plus quoi que ce soit à gagner à me trouver dans la même pièce qu'un type qui va, au final, peut-être vouloir me tuer pour que je ne puisse jamais l'identifier. Étrangement, cela ne me fait pas peur. Je ne me sens pas en insécurité en sa présence. Il a toujours ce sex appeal incontrôlable qui m'a fait perdre la tête à la Maison Pinton il y a quelques jours. Même si je n'ai plus vraiment envie de lui sauter dessus pour une partie de jambe en l'air improvisée, maintenant qu'il a osé m'assommer en pleine rue, il demeure tout de même un je ne sais quoi d'irrésistible qui me colle à ce tabouret et m'empêche de me sauver par la porte qui n'a pas l'air verrouillée, plutôt que de faire la conversation pour en savoir plus.

Je suis prisonnière de ma curiosité et de mon attirance étrange pour ce vieux brigand terriblement sexy. Il faut que j'arrête de réfléchir tout de suite. Je ne peux pas penser que la personne qui m'a enlevée —parce que c'est bien ce qui s'est passé, non ?— est sexy !

— Vous avez quelque chose qui m'est essentiel. Et comme je ne suis pas homme à profiter d'une charmante compagnie sans offrir un échange respectable, je vous propose un marché.

— Quel marché ?

— Tout ce que vous avez sur la robe, contre la moitié du trésor.

— Pardon ?

Je suis complètement perdue. C'est lui qui a déterré la robe, l'a pillée et abandonnée. Moi je n'ai que les miettes. Et de quel trésor parle-t-il ?

— Je... je ne comprends pas. Vous parlez... de...

— Des diamants, bien entendu.

Je commence à trembler comme une feuille. Mais je ne pourrai pas jouer à ce jeu là bien longtemps. Autant tout avouer et mourir maintenant.

— J'ignore de quoi vous me parlez, José. Si c'est bien votre nom.

Un voile d'exaspération traverse son regard bleu qu'il tente de garder le plus doux possible. Contrairement à ce que Rivière craignait, José Coleman ne semble pas adepte de la manière forte. Enfin, reste à prouver que José coleman est bien Monteiro.

— Je parle des diamants de Zélie de Bourg. J'ai été... trop rapide. Il me manque un élément de la carte. La robe dépouillée de ses perles n'a plus aucune valeur.

— Et vous croyez que je sais à quoi ressemblait cette robe avant ? Je ne comprends rien à ce que vous dites.

— Votre grand-mère n'était pas si ignare...

— Quoi ? Mamie ? Mais... Vous...

J'ai un haut le cœur.

— Vous avez tué ma grand-mère ?

Je ne sais pas comment je trouve le courage de poser cette question. Mais je dois savoir.

José semble particulièrement étonné que je la lui pose. Je sens même une certaine indignation dans son expression. On dirait que je fais fausse route. Le soulagement commence à faire surface en moi.

— Je ne suis pas un vulgaire assassin. Pour qui me prenez-vous ?

— Je ne sais pas, moi, je commence à divaguer comme chaque fois que je suis gagnée par le stress. Qu'est-ce que vous faites dans la vie, José ? Chasseur de trésor ? Séducteur ? Toy boy ?

— Toy boy ?

— Vous ne savez pas ce que ça veut dire ?

— Non.

— Tant mieux, oubliez.

Je m'affale sur mon tabouret, comme si j'avais tout donné dans cette folle logorrhée passagère.

— Je suis courtier à la ville, si cela peut vous rassurer. Et un peu chasseur de trésor, oui, on peut dire ça.

Courtier. Ça recoupe ce que disait Rivière. On dirait que je suis bel et bien en compagnie du fameux Monteiro. Le doute est-il encore permis ?

Il m'adresse un sourire mutin. Un sourire qui me dit « Je n'ai pas du tout cinquante ans. J'ai gardé mes vingt ans tout frais à l'intérieur, et je ne compte pas m'arrêter en si bon chemin ». Un sourire qui me dit « Oui, je suis ce Monteiro que tout le monde recherche. Et je peux t 'assassiner quand je veux ».

Et moi je me dit : « Ne quitte pas ce type, ou tu n'auras jamais les réponses à tes questions ». J'ai décidément complètement perdu les pédales.

La Licorne était borgneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant