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— Je suis désolée, je répète. Je ne sais pas ce qui m'a pris ! Ce type m'a assommée dans la rue, et...

— Quoi ?

— Et je me suis retrouvée dans sa chambre à l'écouter me déballer tout ce que je voulais savoir, et toi tu te galérais dans ton coin avec cette filature, et je me suis dit que j'étais au bon endroit au bon moment, et...

— Ce type t'a assommée dans la rue ?

— Et j'avais juste envie que tu débarques et que tu viennes m'aider, je croyais vraiment que ça n'arriverais pas, mais c'est exactement ce qui s'est passé ! Je suis vraiment débile, j'aurais du partir, me mettre en sécurité, et profiter de la situation.

— Prof... profiter de la situation ?

— Tu vois très bien ce que je veux dire ! Sauf que je ne sais pas ce qui s'est passé dans ma tête, mais au moment où tu m'as dit de partir, j'ai entrevu tout ce que je pourrais découvrir en restant avec Ambroise, je me suis dit que tu comprendrais mes intentions.

— Pas vraiment, non...

— Tu as cru quoi ?

— Alors le véritable prénom de Monteiro, c'est Ambroise ?

— Tu as cru que j'étais attirée par l'appât du gain ? L'aventure ? Ou pire ! Que je t'avais menée en bateau depuis le début !

— Quelque chose comme ça, oui.

Je fixe Antoine d'un œil accusateur. Ça ne fonctionne pas du tout pour le faire culpabiliser ou s'attendrir. Il a du me détester pendant trois jours. Ou même rêver de me coffrer pour de bon. Quarante huit heures en garde à vue dans une cellule éclairée sans discontinuer par des néons dégueulasses.

— Je ne t'ai pas trahi. Je suis réellement venue à Felletin avec ma robe pour la faire examiner, et suivre la seule piste qui me restait parce que toi et Bougival aviez classé mon affaire de squelette.

— Lieutenant Bougival.

— Merde, Antoine ! Je suis là devant toi, sans défense et répugnante à essayer de t'expliquer les raisons de mes actions et tu continues de me reprendre ? Tu sais quoi ? Oui je suis certainement la dernière des opportunistes et tu as le droit de me mépriser. Oui, je me suis collée à Monteiro parce que je ne pouvais plus me coller à toi. Mais je ne l'aurais jamais fait si il ne m'avait pas assommée puis emmenée contre mon gré dans son gîte de merde ! Je ne me serais pas fait assommée si tu avais accepté que je continue à te suivre, si je n'avais pas été toute seule ce jour là !

À peine je prononce ce dernier mot qu'Antoine balance sa chaise à travers la pièce. Oui. Il la balance. Dans un vacarme assourdissant qui, bien entendu, réveille les suricates du commissariat. Les conversations vont bon train de l'autre côté de la cloison vitrée. Je me suis un peu plus recroquevillée sur ma chaise. Cette fois ci, Antoine est en colère pour de bon. Pourtant j'ai déjà eu de nombreuses occasions de mettre sa patience à l'épreuve.

— Tu es en train d'insinuer que c'est ma faute ? hurle-t-il. Tu crois que je ne connais pas mon travail ? Tu crois que je ne connais pas la procédure ? Que je ne sais pas faire preuve de prudence ? Tu penses me faire culpabiliser avec tes conneries ?

— Ce n'est pas ce que je voulais dire, je murmure.

— Mais si, c'est ce que tu as dit, rage-t-il en collant son visage au mien.

Il s'éloigne aussitôt en me tournant le dos et passe sa main dans ses cheveux. Je vois ses épaules se soulever au rythme de sa respiration qui s'espace de plus en plus. Une fois son calme retrouvé, il me fait face à nouveau.

La Licorne était borgneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant