La Licorne était borgne

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Mon partenaire étale le calque sur la carte et je découvre les divers tracés dont il m'a parlé, qu'il a fait entre chaque points évoqués, qui se superposent à la grande carte du Limousin. Les pattes forment une grande zone étoilée, à la croisée des trois départements d'origine de la région. La partie déterminée par les fleurs ne se situe pas au même emplacement, mais le recoupe en partie. C'est ainsi que Zélie souhaitait nous montrer où était la cachette de ses diamants !

Je relève la tête vers Ambroise, dubitative.

— Vous avez fait ça avec combien de motifs de la robe ? je demande. Vous avez du y passer des heures, pour comprendre qu'il s'agissait des pattes, des fleurs rouges et des yeux.

— Pas des yeux, regardez.

— Comment vous avez découvert ça ?

Il fait quelques pas, exaspéré, visiblement contrarié par ma question. Il n'y a que moi qui doit révéler mes secrets, on dirait. Ma contrepartie c'est quoi, au juste ? Rester en vie ? Je pourrais estimer que ce sont les diamants. Mais je suis persuadée qu'il les gardera pour lui en utilisant un quelconque stratagème pour m'embobiner.

— Ambroise, je ne peux pas vous aider si vous ne me dites pas tout. Sincèrement, je n'aurais jamais remarqué de tels détails, alors votre histoire d'yeux, ça m'échappe complètement. Ce sera sans doute plus simple avec les informations que vous possédez de votre côté.

Il s'arrête de tourner en rond et me fixe d'un regard effrayant.

— Vous vous rendez compte que vous ne m'êtes plus utile ? Êtes-vous certaine qu'insister soit la meilleure stratégie ?

— La meilleure stratégie pour quoi ? Je joue carte sur table, moi. Je vous ai donné tout ce que j'avais. Si vous voulez que je vous fasse confiance, il va falloir me rendre la pareille. Sinon, autant que je me barre tout de suite. Je peux même vous laisser la robe, je m'en fous. Je n'ai pas que ça à faire.

Il me regarde encore plus intensément de ses yeux noirs.

— Voyons Angèle, bien sûr que vous n'avez que ça à faire. Comment occuperez-vous votre temps à Paris ? Vous avez encore quinze jour de vacances, non ?

Mon sang se glace. Je déglutis péniblement et peine à sortir quelques mots.

— Comment est-ce que vous êtes au courant de ces vacances ?

Il me sourit. Mais d'une manière bizarre. Complètement tordue. Ses yeux, eux, ne sourient pas du tout. Au contraire. Ils me scannent comme s'ils voulaient trépaner ma tête pour mieux connaître tous les détails de mes pensées. Et j'ai la désagréable impression qu'ils y arrivent. Ce n'est pas un regard joyeux, heureux ou séducteur qui me fixe. C'est le vrai regard d'Ambroise Monteiro. Il sourit pour le cacher, mais ce matin, il a du mal à dissimuler ce qui l'habite vraiment. Un frisson me parcours le corps. Est-ce que j'ai raison d'insister ? Est-ce qu'en me soumettant, je ne joue pas son jeu ? Un jeu facile auquel il n'aurait très vite plus envie de participer ?

Je tremble un peu et me concentre pour avoir l'air le plus sûr de moi possible. Même si je suis consciente que le coup de la trépanation mentale doit me mettre totalement à nu.

— On dirait que vous n'avez rien laissé au hasard. Sauf ma bonne volonté à vous aider. Et vous, Ambroise, comment allez-vous occuper votre temps, une fois que je serais rentrée à Paris avec les réponses que vous recherchez ? Ou une fois que vous m'aurez mise sur le carreau. Parce que je n'aurai plus beaucoup de conversation, à ce moment là, je pense.

Mon cœur bat à cent à l'heure. Son regard ne me lâche pas une seconde. Comme s'il... comme s'il ne clignait pas des yeux ! Ambroise est vraiment quelqu'un d'imprévisible et d'effrayant. Il se cache derrière son élégance, sa galanterie et son sourire, mais ce matin, je perçois vaguement les mésaventures dans lesquelles je pourrais m'embarquer.