— Ça a été magique et imprévisible, hein ? je crache à Monteiro dès que les membres de la police ont passé le portail de la propriété qui, je ne m'en rends compte que maintenant, n'est autre que la magnifique maison de maître que nous avions vu à Vallière, tenue par un couple de deux néerlandaises (Hilde et Inge, apparemment). C'est comme ça que vous décrivez le fait d'assommer quelqu'un dans la rue ?
— Je manquais cruellement de temps, me répond-il dans un calme olympien en allant chercher une cigarette dans un étui en argent comme on n'en fait plus. Vous aviez prévenu votre ami par sms.
— C'était si peu discret ?
— Ça aurait pu fonctionner avec quelqu'un d'autre. Je devais vous parler de tout ça avant qu'il ne vous retrouve.
— Et vous estimez intelligent de nous avoir emmené justement là où il était en planque ?
— Ahah ! s'esclaffe-t-il. Bien entendu ! Il a d'abord du parcourir tout le trajet jusqu'à Felletin pour vous secourir, puis vous chercher un certain temps. Vous pensez que j'ai mal raisonné ? Cela ne vous a-t-il pas laissé le temps de faire le choix de rester avec moi ?
— Si.
— Les femmes et les diamants font souvent bon ménage.
Le mufle. C'est bien mal me connaître. Sean Connery perd un point. Ç'aurait été flippant qu'il fasse un sans faute, après tout. Les hommes de son âge réussissent rarement à ne pas se fendre d'un petit commentaire misogyne. Ils ne peuvent pas s'en empêcher.
Toutefois, j'espère que Rivière n'est pas fait du même bois. Et qu'il a compris pourquoi j'ai pris cette décision de rester avec Monteiro. Le regard qu'il m'a lancé avant de claquer la porte ne me rassure pas vraiment. Après tout, on se connait à peine. Si j'ai confiance en un policier qui semble bien faire son travail, pourquoi aurait-il confiance en une femme qui se laisse embrasser sur un pas de porte avant de le planter pour finalement partir avec un autre type, recherché par les forces de l'ordre, deux jours plus tard ? Je ne crois pas qu'un baiser et un goût commun pour la bonne chère soit suffisants. je dois pourtant compter là dessus. Je doute que José Coleman Monteiro me laisse si facilement partir avec la moitié des diamants une fois que je l'aurais aidé à les trouver. Pour peu que j'arrive réellement à l'aider en quoi que ce soit, d'ailleurs.
je n'ai donc plus qu'à prier pour que Rivière aie compris mes intentions. Parce qu'il se serait passé quoi, sinon ? Une garde à vue pour tentative d'enlèvement, et ensuite ? Rien sur Zélie, la robe ou les diamants. Il se retrouverait à nouveau dans la nature avec sa chasse au trésor et une tombe éventrée. Il faut que je le fasse parler, chose dont il ne semble pas avare, et que je réunisse des preuves.
— Bon, je brise le silence en feignant d'avoir confiance en moi. Si nous reprenions où nous en étions ? Que vous a révélé ma grand-mère ? Et qu'est-ce que vous attendez de moi ?
— Colette m'a simplement raconté l'histoire de votre ancêtre telle que votre grand père a du la transmettre à ses enfants et telle qu'on lui a transmise. Une veuve extrêmement riche n'ayant qu'un seul héritier, préparant tout pour qu'il jouisse de sa fortune sans entrave, et le laissant finalement sans presque rien excepté son manoir tant elle a si bien caché son trésor ! Plusieurs générations se sont échinées sur ce mystère, jusqu'à ce qu'il ne devienne plus qu'une légende. D'après Colette, votre grand-père lui même n'y prêtait qu'une attention toute lointaine. Mais il a tout de même légué cela à ses enfants lorsqu'ils étaient jeunes. Travail qu'ils n'ont visiblement pas perpétué. Ce qui laisse le champs libre à une personne comme moi.
— Dans ce cas, pourquoi m'avoir proposé de vous aider ? Vous pourriez tout garder pour vous.
— Parce que je veux savoir tout ce que vous savez. Je veux également votre soutien, et vous venez de me l'offrir il y a à peine quelques minutes, face à votre ami policier. On peut dire qu'il était dépité.
— Vous voulez coucher avec moi.
Le bougre n'a même pas la décence de s'offusquer.
— Je ne me permettrais pas d'être aussi direct. Je dois avoir un train de retard sur la nouvelle génération. Il se peut, Angèle, que si vous êtes d'accord, nous pourrions envisager un autre type de collaboration.
— Vous êtes d'un cliché. Oubliez tout de suite cette possibilité.
Il me regarde en coin comme s'il avait deviné qu'il y a deux jours je l'avais cherché partout dans Felletin dans l'espoir de faire évoluer notre relation à peine existante.
— Où faudra-t-il nous rendre ? Vous pensez que Zélie a caché ses diamants dans la région ?
— Ça, c'est vous qui allez me le dire.
— Comment ça ?
— J'ai besoin de voir la robe. Et tout ce que vous possédez sur Zélie Kashinsky.
— Bien peu de choses, en réalité.
— Ma Chevrolet est garée derrière le manoir, je vous emmène à Limoges pour récupérer la robe ?
— Ce n'est pas la peine, je le coupe en éludant le fait que la robe est à Felletin depuis le début. J'ai tout ce qu'il faut sur moi.
Je cherche mon téléphone dans ma poche, sans le trouver. Monteiro se lève alors pour aller ouvrir une boite dorée sur le manteau de la cheminée, et en sort mon portable. Je suis furieuse, même si ma raison sait pertinemment qu'il aurait été idiot de me le laisser. Ça explique également pourquoi il n'a pas été surpris de voir débarquer Rivière. Je devrais changer mon code PIN. Il me le remet en main et j'effleure sa peau du bout des doigts. Elle est chaude, et un léger frisson me parcours le corps. Voilà que ça me reprend. Mais comment fait-il ? Je le déteste autant que j'ai envie de lui sauter dessus.
J'ouvre mes dossiers avec une rage non dissimulée. Il ne s'en offusque pas, alors que je vois mal comment il pourrait deviner ce à quoi je suis en train de penser. Je lui tend à nouveau le téléphone.
— Voilà, vous avez là tout ce que j'ai réuni à propos de Zélie. J'ai photographié la robe dans son ensemble. La définition est assez bonne pour zoomer. Espérons que toutes les informations nécessaires ne soient pas au dos, je ne l'ai photographiée que d'un seul côté.
Il s'empare de l'appareil et fait défiler les clichés.
— Vous avez là un nombre impressionnant de livres écrits par Madame Kashinsky.
— Je les ai tous photographiés.
— Un travail qui a du demander beaucoup de patience.
Il fait encore défiler les livres de Zélie. Et après il se demande où elle est allé trouver cette histoire d'indices et de trésor caché ? Je pense qu'elle a écrit beaucoup trop de romans. Elle a du perdre le sens des réalités. Enfin, Monteiro arrive sur le cliché de la robe et zoome largement dans le motif.
— Tout y est, déclare-t-il.
— Tout quoi ? De quoi avez-vous besoin ?
— Des animaux.
— Ces horreurs ?
Il relève les yeux vers moi avec un léger voile de mépris dans le regard.
— Ces horreurs dessinent en réalité une carte.
— Une carte ?
— Oui. Pour trouver les diamants.
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La Licorne était borgne
Mystery / ThrillerAprès la découverte d'un squelette dans le jardin de sa grand-mère, Angèle se lance à la poursuite du mystère qui hante sa famille, sur la piste de perles précieuses, d'une veuve noire et d'une licorne biscornue. Cette histoire est terminée. Une sui...