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Je laisse Monteiro tracer la partie visible de la carte que l'on peut voir sur la photo de 1887. Chaque perle ajoute un détail à l'ensemble déjà existant. Sur la robe, elles soulignent certains détails des animaux, ou des motifs, principalement de la végétation. Le tout dans un ensemble assez peu cohérent, du moins d'après ce que l'on peut voir sur la photographie.

— Dites-moi, José...

— Vous pouvez m'appeler Ambroise, me propose-t-il d'un ton aimable.

— Pardon ? Vous ne vous appelez pas Sean... euh, José Coleman, finalement ?

Il éclate de rire.

— Oui, pour votre ami policier, c'est un nom idéal, n'est-ce pas ? Il n'a même pas vérifié mes papiers. Il faut dire que vous l'avez mouché d'une façon magistrale. En réalité, je m'appelle Ambroise Monteiro.

Sean avait une tête de Sean. Pas d'Ambroise. Je ne suis pas sûre de m'y faire. Mais j'essaye. Et ne perd pas de vue ce qui nous réunit ici.

— Eh bien, Ambroise... à votre avis, quel élément de la robe indiquera où se trouvent les diamants ? Si le dessin et les perles ne donnent que le tracé, cela ne nous mènera pas loin, n'est-ce pas ? À moins qu'il n'y ait une sorte de croix pour indiquer le trésor. Non ?

— Vous avez parfaitement raison.

Sur ce, il termine son croquis et se relève de la descente de lit où il s'était installé. Il s'empare de son manteau si parfaitement taillé.

— Nous ne continuerons pas le ventre vide. La journée a été agitée. Je vous emmène dans un endroit où la police ne nous dérangera pas. Ma Chevrolet est garée derrière le manoir.

— Vous avez une Chevrolet. Ambroise, vous êtes vraiment un cliché.

— Vous ne désirez pas m'accompagner ?

— Bien sûr que si. Je ne suis jamais montée dans ce type de voiture.

Il me tend le bras, que je saisis après avoir revêtu mes propres gilets de laine, et descend l'immense escalier à son bras. Je crois que c'est le type de comportement qu'il s'attend à voir de la part d'une jeune femme de mon âge affichant une certaine indépendance. Insolente et vénale. J'espère endormir sa méfiance en lui donnant exactement ce qu'il veut.

Je ne peux cependant pas m'empêcher de croire qu'il a un coup d'avance sur moi. Moi, en vrai, je préférerais mille fois manger un kebab sur la banquette pourrie d'une 4L vert d'eau.

Les deux femmes qui tiennent le luxueux gîte, Hilde et Inge, nous ouvrent le grand portail et nous filons à vive allure hors de Vallière, la Chevrolet résistant sans peine à la conduite sportive de Monteiro.

En passant devant la place du village, où trône la majestueuse église romane, j'aperçois la 4L de Rivière dans une ruelle. Je fais comme si je ne l'avais pas vue, et comme s'il n'existait pas. Mon partenaire dans le crime ne doit se douter de rien. En revanche, je suppose qu'il l'a remarquée également. Ça me panique tout de même un peu de savoir que cette fichue antiquité ne tiendra pas la route dans une course poursuite sur les routes glacées de Creuse face à la berline d'Ambroise Monteiro.

À ma grande surprise, la 4L n'esquisse même pas l'ombre d'une filature. Je suis désormais seule avec un criminel international qui a tout le loisir de m'empoisonner, me tirer dessus, m'assommer encore, m'étrangler, m'étouffer... nous sommes quasiment arrivés à Aubusson lorsque je finis mentalement de faire la liste de toutes les façons possibles qu'il aura de mettre fin à mes jours. Rien de bien réjouissant, donc.

Grâce au ciel, nous ne nous rendons pas dans le même restaurant au bord de l'eau que celui où nous sommes allé il y a quelques jours avec le lieutenant. Et il est clair que rien n'a la même saveur.

La Licorne était borgneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant