La visite du gîte d'Aubusson ne donne rien. Nous passons les deux jours suivant à passer des coups de fil et nous rendre dans certains lieux, toujours très chics, ou pourrait se cacher Sean Monteiro. Je ne suis pas certaine de pouvoir me payer un séjour dans un seul de ces hôtels, gîtes ou maisons. On dirait que le grand banditisme est une activité qui rapporte gros. Ais-je bien fait de me lancer dans le marketing ?
Le rendez-vous avec le portraitiste que connait Antoine a été pris pour demain. Après, je rentrerai à Paris. J'aurai encore plusieurs semaines de vacances forcées à tirer. Et ranger la maison de mamie aux Arbouillères est hors de question dans ce contexte. Antoine m'a bien conseillé de me tenir le plus loin possible du Limousin. Mais pas aussi loin que Londres, par exemple, où j'irais bien faire un tour, car je dois également me tenir à la disposition des enquêteurs si ça leur est nécessaire de me poser des questions. Ou de m'arrêter. Ce que je n'espère pas.
En fin de journée, alors que je patiente dans la voiture sur le parking de l'église romane d'un patelin joliment nommé Vallière, je vois Antoine revenir de sa visite le sourire aux lèvres. Tiendrions-nous quelque chose ?
— Les deux femmes qui tiennent ce gîte ont décrit leur locataire exactement comme toi. Je crois qu'on tient notre homme, se réjouit Antoine.
— Qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ?
— Le suivre.
— Tu ne l'arrêtes pas ?
— Pour quel motif ? T'avoir dragué dans un atelier de tapisserie ?
Peau de rousse un jour, peau de rousse toujours, impossible de cacher ma gêne. Moi qui croyais que cette information avait été négligeable et oubliée aussi sec. Mais je n'ai pas fini d'être déçue.
— On rentre à Felletin.
— Pourquoi ? Nous n'attendons pas qu'il rentre chez lui pour le garder à l'œil ?
— Non. Fini de jouer. Je te ramène chez Janis et Clotaire. Tu restes au chaud jusqu'à ce que mon collègue Clouet vienne demain avec notre portraitiste et dès que c'est fini, je t'amène à la gare.
Je ne peux cacher mon dépit. Je m'enfonce dans mon siège gelé comme une fillette qu'on a mis au coin. Antoine m'enlace les épaules et me serre contre lui pour me réconforter. Ça ne fonctionne pas très bien. J'aurais aimé qu'il m'enlace pour d'autres raisons. Pas parce qu'il va me lâcher et me renvoyer dans mes pénates pour redevenir le bon flic qui ne traine pas une néophyte dans ses planques. Tout redeviendra normal, pour lui. Pour moi aussi, exception faite que je me demanderais sans cesse si un voleur criminel international sosie de James Bond ne va pas un jour sonner à ma porte —pas du tout essoufflé par l'ascension de mes six étages sans ascenseur, lui— pour mettre fin à mes jours et ainsi à la menace que je puisse le dénoncer.
La 4L va me manquer. Felletin et la neige aussi. Même Janis va me manquer.
Antoine met le contact et la voiture démarre dans un bruit de métal inquiétant. La caisse à savon vert d'eau pétarade sur les routes de Creuse. À l'intérieur, un lourd silence en dit long sur notre état d'esprit à tous les deux.
Antoine me débarque place des arbres et repart aussitôt à bord de son véhicule haut en couleur.
Je reste là sur le pas de la porte avec une tête à faire peur. Je finis par monter dans ma chambre rose et m'effondrer en pleurs sur mon lit. Je ne veux pas rentrer à la maison.
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La Licorne était borgne
Gizem / GerilimAprès la découverte d'un squelette dans le jardin de sa grand-mère, Angèle se lance à la poursuite du mystère qui hante sa famille, sur la piste de perles précieuses, d'une veuve noire et d'une licorne biscornue. Cette histoire est terminée. Une sui...