L'Héritage (L'Hybride, Livre 3)

1.3 : Fuite

— Asseyez-vous. Un thé nous fera du bien.

Clara la sentait à fleur de peau, à deux doigts de fondre en larmes. Préparer le thé, occuper ses mains et son esprit pour son invitée l'aidait à ne pas céder, à penser à autre chose. Ben représentait toute sa vie. Plus que jamais, dans cet endroit exigu, Clara éprouvait sa frayeur à peine apaisée, sa tension. Et quand bien même ses pouvoirs ne le lui auraient pas appris, ses gestes saccadés, malhabiles en étaient un bon indicateur.

Au vu des circonstances, elle aurait préféré partir et les laisser se remettre de ce malheureux épisode tranquillement. Elle ne voulait pas s'en mêler davantage, mais l'Ange la contraignit à rester. Elle s'installa.

« Anya a besoin de décompresser. Notre présence l'aidera à surmonter ça : d'abord, une présence adulte et moins impliquée émotionnellement, ensuite mon aura. »

La jeune maman plongea sa main dans un placard et en sortit deux tasses ébréchées aux motifs passés de mode, puis lui adressa un regard à la fois reconnaissant et inquiet.

— Vous prenez du sucre avec ?

— Non, merci.

Après un silence, Ben sortit de la chambre, le visage débarbouillé et un t-shirt propre sur lui. Il prenait un soin évident à ne pas croiser le regard de sa mère ni celui de Clara.

— Tu vas mieux ? lui demanda-t-elle.

Il acquiesça.

— Tu veux du lait, Ben ?

Il acquiesça à nouveau, puis se hissa sur la banquette à côté de Clara. Elle le sentait gêné, confus. À mille lieues du garçon énergique qu'elle avait rencontré quelques mois plus tôt.

— Quelque chose ne va pas ?

Cette fois, il secoua la tête. Anya remarqua son manège silencieux, puis déposa son verre plein devant lui.

— Qu'est-ce qu'il y a.

Il aurait pu s'agir d'une question, mais ce fut bel et bien une injonction à répondre. Ben se recroquevilla sur lui-même, puis soupira à fendre l'âme.

— J'ai perdu... j'ai perdu le ballon.

— Ce sont eux qui l'ont crevé, non ?

— Oui mais... c'était un cadeau... je suis désolé.

Dans cette famille qui ne pouvait se permettre d'égarer ou de détruire des objets utiles, elle comprenait son embarras. Il ne pouvait pas le remplacer et se doutait que l'achat d'un nouveau ballon ne figurait pas dans la liste des indispensables.

— Tu n'y es pour rien... tenta de le rassurer Clara.

— J'aurais dû faire attention...

— ... Et surtout ne pas traîner dans leur quartier ! coupa Anya. Je te l'ai dit cent fois, Ben. Qu'est-ce que tu aurais fait si...

— Clara, précisa-t-elle.

— ... si Clara n'avait pas été là ? Hein ? Tu te rends compte du souci que je me suis fait ?

Tout penaud, Ben rentra la tête dans les épaules et regarda ses chaussures par-dessous la table.

— Tu pourras jouer au foot sans ballon. Comment faisais-tu avant ?

La bouilloire siffla la mi-temps et Anya attrapa un torchon pour la retirer du feu. Elle y versa ensuite quelques feuilles de thé et laissa infuser.

— Je dois pouvoir réparer ce ballon, intervint Clara.

— C'est vrai ? s'écria le garçon.

Sa mère soupira.