L'Héritage (L'Hybride, Livre 3)

15.1 : Rencontres

Clara eut beau frotter, elle ne se débarrassa pas de la sensation collante de sa magie. Allongée dans son lit, elle contemplait le plafond. Le sommeil la fuyait. Ses rencontres de la journée tournaient en boucle dans son esprit, entretenaient sa colère et son indécision. Il lui faudrait se rendre rapidement à Tarapès, au moins pour vérifier que le diamant-sorcier tenait encore.

Mais elle n'en avait pas envie.

Elle ne voulait pas y aller.

Elle ne voulait pas y aller seule.

Elle ne voulait pas y aller avec l'aide de Belga.

Pouvait-elle attendre qu'un autre s'en occupe ?

Rageusement, elle se tourna sur le côté et emporta le drap avec elle. Nicolas sursauta et alluma la lampe de chevet.

— Clara...

— Pardon.

Il soupira et se tourna vers elle.

— Tu es sûre que je ne peux pas t'aider ?

— Aide-moi en restant en vie.

— Tant que tu ne risques pas ta vie inutilement.

Elle recouvrit son visage de ses mains et le frotta longuement.

— J'ai beau retourner le problème dans tous les sens... ce sera plus dangereux si je ne fais rien. À moins d'un miracle... personne ne se confrontera à lui.

— Mais tu es sûre de pouvoir lui tenir tête ?

— Non ! lâcha-t-elle d'épuisement.

Elle tourna son visage vers lui, contempla ses cheveux en bataille, son regard inquiet. Il lui rappela leurs derniers mois avant sa disparition.

Je ne voulais pas le revoir dans cet état.

— Non, reprit-elle. Mais je combattrai à armes égales.

— Il n'y a pas d'autres comme toi pour t'aider ?

Clara se sentit bête. Elle n'avait même pas pensé à chercher d'autres Trabajadores pour lui venir en soutien. Pourquoi des solutions semblaient-elles si évidentes quand elle discutait avec Nicolas ? Un sentiment d'espoir et de honte mêlées se disputèrent en elle. D'instinct, elle avait cherché des sorciers plus expérimentés pour l'épauler. Si aucun d'eux ne faisait le poids face à Igor, pouvait-elle compter sur d'autres moins aguerris ? Des hommes et femmes qu'elle ne connaissait pas, et en lesquels elle n'aurait aucune confiance ?

— Il y en a... sans doute, avoua-t-elle. Je n'ai pas cherché.

— Pourquoi ?

— Je... je n'y ai pas pensé.

Il parut surpris, puis lui sourit avec tendresse – et une pointe d'amusement.

— Tu ne changeras jamais.

— Et que dois-je comprendre par là ?

Il ignora la menace dans l'intonation de sa réponse et s'approcha d'elle.

— Tu as du mal à prendre du recul face à une situation que tu ne maîtrises pas.

Prête à riposter, l'Ange terrassa toutes ses cinglantes reparties.

« Il a raison. Même moi je n'arrive pas toujours à te canaliser.

— Tu aurais pu trouver cette solution, lui reprocha-t-elle.

— Si tu souhaites que je me comporte comme le Démon, dis-le-moi. Dans ce cas, je prendrai pleinement possession de ton corps et agirai à ma guise. »