6.2 : Discussions

69 20 3
                                    

Nicolas revint à lui avec, ou peut-être à cause d'un mal de tête lancinant. Il porta la main à son front et retint son gémissement de douleur. Depuis qu'il était redevenu humain, il avait eu l'occasion d'en ré-apprécier toute la saveur, à commencer par toutes ses petites douleurs et désagréments, exempts de la pseudo-vie d'un Fossoyeur.

Mais pour rien au monde il ne souhaitait en redevenir un.

La bouche pâteuse, il s'assit sur le bord du lit. D'une main un peu trop lourde, il se massa rapidement la nuque pour tenter de dénouer ses muscles et atténuer la douleur des coups de la veille. Il avait été lamentable face à ses agresseurs. Du temps où il fréquentait la Maison, il en avait vu des pires et leur avait tenu tête.

Encore un échec.

Sans l'intervention de Clara, que se serait-il passé ? Auraient-ils fini, Éric et lui, laissés pour mort sur la place ? Auraient-ils emporté Éric et laissé Nicolas se vider de son sang par terre ? Dire qu'avant, c'était lui qui secourait Clara...

Tu es devenu bien inutile, mon vieux.

Il avait passé la nuit dans la même petite chambre où Marie l'avait forcé, la veille, à terminer son sandwich. Ce matin, une morne lumière filtrait des rideaux tirés. Un triste jour, à l'image de son humeur.

Sur le sol, il fut surpris de trouver Clara enroulée dans un sac de couchage, encore endormie. Une étincelle d'espoir raviva son corps, et s'éteignit à mesure qu'il se remémorait leur dernière discussion. Elle ne lui avait laissé aucune occasion de s'expliquer, de lui parler.

Elle a fermé la porte.

Depuis le lit, il ne distinguait que la masse de ses cheveux sur l'oreiller, se rappelait du nombre de fois où il avait aperçu cette chevelure emmêlée et souri, le cœur ragaillardi, de la savoir auprès de lui. Cette fois, le mètre qui les séparait s'était transformé en un mur infranchissable et rendait sa pénitence encore plus douloureuse.

Son estomac gargouilla. Il posa une main dessus, conscient de n'avoir quasiment rien mangé depuis des jours. Par moment, son corps lui réclamait sa pitance. Hélas, l'appétit ne l'accompagnait pas souvent. Dès qu'il se mettait à table, il ne parvenait pas à avaler plus de deux bouchées.

Une boîte d'aspirine l'attendait sur le chevet ainsi qu'un grand verre d'eau ; il s'empressa d'en avaler deux comprimés. Ses mains tremblantes lui rendirent la tâche bien plus difficile qu'elle ne l'était ; ses gestes maladroits réveillèrent Clara.

Après un grommellement, elle se redressa sur un coude avec cet air brouillé qu'il lui connaissait bien, les cheveux en pagaille. La gorge serrée, le cœur battant, Nicolas regretta de n'avoir pas réussi à la faire changer d'avis. Même ainsi, il la trouvait beaucoup trop attirante. À ses yeux, elle faisait partie de ces femmes qui n'avaient besoin d'aucun artifice pour être belles, même lorsqu'elle prenait cette expression revêche et embrumée. Le pis ? Elle n'en était même pas consciente.

Mais elle n'est plus à toi. Tu as tout gâché.

— Pardon, dit-il tout bas en ramassant la plaquette de comprimés tombée entre le chevet et le lit.

Après un bâillement, elle se frotta les yeux et s'extirpa du sac.

— Comment vas-tu ? demanda-t-elle.

— J'ai mal partout.

Deux pas plus tard, elle était devant lui.

— Qu'est-ce que...

— Ne bouge pas.

Elle posa une main de chaque côté de sa tête et ferma les yeux. S'était-il crispé à son contact ? Il sentit aussitôt chacune de ses courbatures et grimaça.

L'Héritage (L'Hybride, Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant