8.3 : Grimoire

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En début d'après-midi, Clara profita très simplement de la présence de Nicolas. Assis l'un contre l'autre devant la télé, ils n'avaient pas fait montre d'une belle productivité ; le garder sur le canapé pendant plus d'une heure relevait déjà du miracle. Alors, en toute simplicité, elle avait apprécié de se caler sous son bras, de le savoir auprès d'elle sans qu'aucun d'eux n'eût de plus pressantes affaires à régler.

Ils n'avaient pas beaucoup échangé. Elle s'en satisfaisait pour le moment, tout en gardant à l'esprit qu'il faudrait tôt ou tard aborder des sujets plus difficiles. Sans cela, les mauvaises habitudes referaient surface et elle refusait de jouer la même pièce, encore et encore.

Vers l'heure du goûter, elle se rendit comme promis au domicile de ses parents. Sa mère vint aussitôt lui ouvrir et l'embrassa chaleureusement. Comme à chaque fois, ces effusions mettaient Clara mal à l'aise, et elle cherchait encore le meilleur moyen de le lui faire comprendre sans la brusquer. Une mission ardue. La femme qui se tenait en face d'elle aurait voulu rattraper en un claquement de doigts les dix-sept années perdues. Elle ne pouvait contenir sa joie de la retrouver enfin, ce que Clara comprenait. Mais renouer un lien similaire à celui qui s'était rompu quand elle était enfant s'avérait plus compliqué que prévu.

— Nouvelle coupe ?

— Euh, oui, balbutia Clara, prise au dépourvu.

— Ça te va très bien.

Michèle tendit la main vers une mèche de ses cheveux, et la laissa glisser entre ses doigts.

— Petite, tu les portais toujours longs.

Elle prit une profonde inspiration et enchaîna :

— Tu as l'air d'aller bien. Vu qu'on n'avait pas de nouvelles, on se demandait s'il ne t'était rien arrivé... Éric nous a dit que tu avais dû partir pour le travail ?

Bien sûr, il n'avait pas eu d'autre choix que le mensonge pour justifier son absence sans les inquiéter. Devant sa gêne évidente, Michèle fronça légèrement un sourcil.

— Tu aurais pu nous en parler...

— Ce... ce n'était pas prévu. J'avoue que... tout a été... précipité.

Le cœur de Clara se serra. Bien que consciente qu'elle avait jusqu'à présent plutôt mal agi à leur égard, elle se sentait toujours comme une étrangère parmi eux. Changer son approche lui demanderait du temps.

— Rien de grave ? s'inquiéta sa mère.

— Non, non. Ne t'en fais pas.

Après un instant, elle soupira et murmura :

— Pardon. J'aurais dû vous prévenir, je sais...

— Essaie de penser un peu à nous, d'accord ? dit-elle d'un ton à la fois déçu et résigné.

Les remords tenaillèrent Clara. À quelle épreuve soumettait-elle encore sa mère ?

— Oui... Éric m'a déjà sermonnée à ce sujet, dit-elle avec un petit rire gêné. Je vais faire un effort.

Michèle lui offrit un sourire indulgent et la guida à l'intérieur.

— Tu sais... c'est délicat pour nous aussi. Je ne sais pas quoi faire pour t'aider à... à ce qu'on reforme une famille.

— Je ne sais pas non plus.

A la sortie du couloir, son père les attendait, confortablement installé sur le gros canapé, devant une série télé. Autant Michèle semblait en constante ébullition, autant Daniel conservait un calme inébranlable à chacune de ses visites.

L'Héritage (L'Hybride, Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant