11.1 : Librairie

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La marque rougeoya à peine quelques secondes. Aussi inquiète que curieuse, Clara tenta bien sûr de distinguer ce qu'elle représentait ; sans succès. Les bords brûlés à vifs, très lumineux, rendaient ses contours indécis et meurtrissaient ses yeux. Du doigt, elle l'effleura. Aussitôt, Nicolas sursauta, s'agita, grommela. Elle pulsait par intermittence, l'éblouissait puis ternissait jusqu'à entièrement disparaître, son empreinte noire gravée quelques instants sur ses rétines. À chaque éclat, une petite vague de magie s'en échappait et lui provoquait des frissons désagréables.

Cette magie n'avait rien d'ordinaire, et même l'Ange en ignorait l'origine.

« J'ai parfois j'ai vraiment l'impression d'avoir été maudit. »

Clara se remémora les paroles de Nicolas, dans cette triste chambre près de Tarapès. À ce moment-là, elle ne s'était pas attardée sur ses propos ; elle les avait interprétés comme un moyen pour lui de décrire sa malchance chronique, d'exprimer son désarroi. Devant ce phénomène, toutefois, elle envisagea avec sérieux et inquiétude la possibilité d'une malédiction. Pour quelle autre raison une telle marque apparaîtrait-elle sur son corps ?

Les pulsations lumineuses se succédèrent avec régularité pendant plusieurs secondes. Puis, sans élément annonciateur, tout s'arrêta. De la marque, ravalée, étouffée par le corps de Nicolas, ne subsistait plus rien. Ni une trace, ni une lueur, ni même une once de la magie qui l'avait tirée du sommeil.

Clara avait, elle, tenté de ravaler son angoisse le reste de la nuit.

Les heures s'étaient égrenées. Son cerveau n'avait cessé d'en rechercher la cause : s'agissait-il d'un rappel à son état de Fossoyeur qui, elle le savait, couvait ? Ou Darmack lui avait-il joué un mauvais tour de plus ? Un autre sorcier pouvait-il être en cause ? L'étrange décès de sa mère avait-il un lien ? Ainsi que tous les malheurs qui s'étaient abattus sur lui depuis sa naissance... ? Des myriades de possibilités s'offraient à elle, sans qu'aucune ne sortît du lot. Plus elle y songeait, plus elle était persuadée qu'il avait raison. Nicolas était maudit...

Contrairement à son aïeul, qui semblait avoir été maître dans ce domaine, Clara n'y connaissait rien ; tout au plus pouvait-elle élaborer de fumeuses théories en accord avec ce qu'elle apprenait de l'Ange.

L'assaut de ces vagues de magie lui arrachait encore des frissons. Elles avaient laissé sur son esprit une empreinte presque infecte, nauséabonde. La perplexité et l'inquiétude de l'Ange ne la rassurait pas sur ce point : ils avaient selon lui assisté à quelque chose de contre-nature...

Avec beaucoup de réticences, elle posa un doigt à l'endroit où la marque était apparue. Aucune réaction ne se manifesta.

Clara comprit qu'elle ne trouverait plus le sommeil cette nuit. Chaque fois que ses paupières trop lourdes étaient retombées, elle s'était imaginé Nicolas consumé par un feu intérieur, l'avait entendu hurler sa douleur, vu se débattre de liens de feu qui finissaient toujours par le dévorer.

La journée s'annonçait longue.

Les yeux cernés, les cheveux en pétard et la mine renfrognée, elle se leva et s'obligea à boire un café. À défaut d'une bonne nuit, elle espérait mettre son cerveau à profit pour comprendre ce à quoi elle avait assisté. Appuyée sur le plan de travail, son regard se perdit sur l'écoulement du café dans la carafe. Elle tentait de rassembler ses connaissances quand deux mains se posèrent sur ses épaules.

— Tu bois du café maintenant ? demanda Nicolas.

Elle se raidit, bien incapable de profiter des bras qui l'enlaçaient avec tendresse. Devait-elle lui parler de ce qu'elle avait vu ?

L'Héritage (L'Hybride, Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant