5.5 : Rôdeurs

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Après avoir franchi l'escalier, le passage le plus difficile, Éric et Marie, aidés sans le savoir d'un sortilège de Clara, déposèrent Nicolas sur le lit où elle avait dormi les dernières nuits.

— Ce qu'il est grand, constata Marie.

De fait, les pieds de Nicolas dépassaient du cadre et les avait contraints à l'allonger en diagonale.

— Je vais chercher de quoi désinfecter les blessures, ajouta-t-elle.

Une fois sortie, Clara demanda à Éric :

— Surveille et dis-moi quand elle revient.

Les yeux de Nicolas papillonnaient. Une partie de sa réticence à le toucher avait disparu quand Clara posa à nouveau ses mains de chaque côté de sa tête. Le reste de l'hémorragie se résorba et le grave traumatisme devint un simple mauvais coup à la tête, une blessure superficielle du cuir chevelu. Elle s'occupait de ses diverses contusions quand d'autres signaux d'alarme attirèrent l'attention de l'Ange : Nicolas était bien trop affaibli pour supporter encore ses soins.

Il meurt de faim.

Avec ses sempiternels vêtements noirs, elle n'en avait pas vraiment pris conscience et, par acquis de conscience, souleva son t-shirt.

— Qu'est-ce que tu fabriques ? demanda Éric.

Pour sûr, sans explication, ce geste relevait plus d'une forme de perversion que de l'inquiétude. Car s'il n'avait jamais été gros, elle n'avait encore jamais vu ses côtes aussi saillantes.

— Il a mangé, quand vous étiez ensemble ?

Intrigué, Éric s'approcha et fronça les sourcils.

— Maintenant que tu le dis, je ne l'ai vu que grignoter. Bordel, j'ai pas fait attention à ça.

Il secoua la tête.

— J'ai bien vu qu'il n'était pas dans son assiette, mais je pensais que le sortir de chez lui pour te revoir suffirait...

Clara dévisagea son frère avec curiosité.

— Pas dans son assiette ?

Il soupira.

— Pour tout te dire... quand je l'ai trouvé, j'ai eu le sentiment qu'il se laissait totalement aller. Mais... vraiment.

La gorge de Clara se serra. Elle aurait dû l'écouter, dans la remise. Il lui aurait dit qu'il n'était plus un Fossoyeur. Son entêtement la conduisait à nouveau dans une situation qui n'aurait jamais dû avoir lieu. Elle baissa le regard sur ses mains, couvertes de sang.

Le souvenir des atrocités qu'elle avait commises sous l'influence du Démon, et dont elle n'avait encore qu'une image très imprécise, ressurgit et la saisit d'effroi. Elle se leva d'un bond, à la recherche d'un lavabo pour se débarrasser du rouge qui lui couvrait les mains. Sur les entrefaites, Marie arriva les bras chargés de serviettes, de grands carrés de coton, de quelques pansements, d'un désinfectant et d'une bassine d'eau. Clara y plongea aussitôt les mains et les frotta avec un peu trop d'énergie.

— Chloé... ça va aller, dit Marie d'une voix apaisante.

Elle s'immobilisa, puis, un peu déroutée par cet assaut de panique, attrapa une serviette des mains de son hôtesse.

— Pardon... et merci, murmura Clara. Si tu as des antalgiques, je pense que ça lui plaira, à son réveil, ajouta-t-elle après une seconde.

— J'irai voir ça. Comment il va ?

— Il a été sonné, mais... il s'en remettra.

Marie ne paraissait pas convaincue. Avec délicatesse, Clara plaça la serviette sous la tête de Nicolas puis nettoya la plaie. Avec soin, elle évitait de poisser ses mains de sang et les rinçait dès qu'elle le pouvait. Quand elle eut terminé, la piqûre de l'antiseptique le tira de l'inconscience dans une grimace. Clara n'interrompit pas son geste pour autant.

L'Héritage (L'Hybride, Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant