16.3 : Trabajadores

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« Clara ? »

La voix de Nicolas s'amplifiait dans son esprit. Lorsqu'il lui parlait par télépathie, elle pouvait ressentir une part de ses émotions, et pour le moment, seule l'inquiétude transparaissait avec force.

« Je suis là. »

Du soulagement.

« Comment vas-tu ? Tu as avancé ?

— Pas beaucoup.

— Ça te prendra longtemps ?

— Je suis désolée, je n'en sais rien. Mais sans doute encore quelques jours, oui.

— Tu es sûre que je ne peux pas t'aider ? Même... simplement t'accompagner...

— Nicolas, je t'ai déjà perdu une fois, je ne veux pas que ça se reproduise. »

La frustration, désormais, dominait. Et une angoisse sourde qui, parfois, venait l'altérer. Il n'était pas optimiste sur l'issue de son voyage. Par réflexe, Clara s'en exaspéra. Mais au vu de son comportement récent, elle doutait elle aussi.

« Si je peux t'être utile en quoi que ce soit, n'hésite pas.

— Ça ira. »

Il dut sentir la sécheresse de son ton ; elle le sentit blessé par sa réponse.

« Tout va bien au bar ? » enchaîna-t-elle.

« Oui. Éric se débrouille très bien sans moi. Je ne comprends pas pourquoi tu me l'as confié. Je n'y connais rien en gestion...

— Je ne pouvais pas le laisser sans personne pour s'en occuper. Pas encore... et Éric est occupé au journal.

— Je ne suis pas sûr d'être la personne idéale pour ce genre de choses. Gilles serait plus à même de...

— Nicolas, je te demande simplement de t'assurer que tout va bien. Tu n'auras qu'à me prévenir en cas de besoin. »

Elle rompit la connexion entre eux d'instinct. Quand elle rouvrit les yeux, elle découvrit une silhouette dressée à quelques mètres d'elle, dont le visage se dissimulait sous un voile noir. Quand bien même la longue cape qu'elle portait n'en dévoilait pas beaucoup, elle devina à ses courbes et à sa stature qu'il s'agissait d'une femme. Et aux brindilles et à la boue qui maculaient le bas de ses vêtements, qu'elle avait elle aussi arpenté la forêt pendant un moment.

— Il est rare que je trouve des visiteurs dans cette région isolée. Normalement, personne ne peut approcher de ma maison. Qui êtes-vous et que venez-vous faire ici ?

Sa voix trahissait celle d'une femme plutôt jeune. Clara se releva, sur ses gardes. La chair de poule recouvrit ses bras ; elle possédait elle aussi des pouvoirs de Trabajadora.

Décidément, cette région est un nid à Trabajadores.

— Je suis venue en savoir plus sur Igor, dit-elle tout de go.

Si cette femme appartenait au cercle fermé des Trabajadores, elle savait de qui parlait Clara. Et dans le doute, Clara préférait ne pas lui faire part tout de suite de son opposition au sorcier. Surtout quand elle-même en doutait.

— Alors... vous êtes venue au bon endroit. Je vous en prie, suivez-moi.

Sa démarche rapide trahissait l'habitude. Elle conduisit Clara en direction du minuscule chalet dissimulé au cœur de la forêt. La nuit tombait sur la région. Le froid et la peur de tomber dans un piège lui donnaient la chair de poule. Réactif, l'Ange dressa autour d'elle plusieurs barrières magiques censées prévenir ou amoindrir toute attaque magique. Sitôt le sort lancé, la sorcière tourna à demi la tête et s'arrêta.

L'Héritage (L'Hybride, Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant