L'Héritage (L'Hybride, Livre 3)

5.4 : Rôdeurs

Le lendemain, après un très rapide en-cas et un nouveau rodéo, ils arrivèrent sur la place du village. Éric avait laissé Nicolas conduire pour lui faire comprendre la difficulté de guider le véhicule au milieu de toutes les ornières... et avait dû reconnaître, un brin vexé, que son copilote avait mieux appréhendé la route que lui.

Dans sa voiture !

Le ciel, bien que toujours gris, n'annonçait pas de pluie. Ils entrèrent l'un après l'autre et saluèrent la tenancière prise au dépourvu.

— Messieurs, je ne m'attendais pas à vous revoir si vite ! Vous avez eu le coup de foudre pour notre petit village ?

Éric posa à nouveau la photo sur le comptoir.

— Je me permets d'insister.

Cette fois, elle masqua à peine son embarras. Son regard sauta de l'un à l'autre, indécise quant à la conduite à tenir. Nicolas avait vu, ou plutôt senti juste. Éric se tourna vers lui et nota qu'il fixait la porte située à côté du comptoir.

Un peu trop fort pour ne pas paraître louche, Marie déclara :

— Je n'ai pas vu cette jeune femme depuis la semaine dernière !

Éric faillit s'étouffer pour ne pas rire devant sa mauvaise comédie. Toutefois, il était ravi d'avoir trouvé une alliée.

On l'a retrouvée.

Un seul point le chagrinait : si elle agissait ainsi, cela signifiait que Clara lui avait bien donné la consigne de ne rien dire. Elle ne voulait pas les revoir.

À voix basse, elle reprit :

— Lequel de vous deux va la voir ?

Éric mourait d'envie de lui passer un savon dont elle se souviendrait, mais poussa son voisin d'une bourrade amicale. Elle se cachait peut-être à cause de Nicolas ; il préférait leur laisser l'occasion de régler leurs comptes. Quitte ou double : soit Clara serait apaisée et prête à la discussion, soit sa venue envenimerait la situation et elle se montrerait plus féroce que jamais.

— Vas-y.

— Par cette porte, susurra Marie.

Nicolas acquiesça et se leva. Éric ajouta, d'une voix forte :

— Vous êtes vraiment sûre ?

Si avec un tel jeu d'acteur, elle ne tombe pas dans le panneau...

* * *

Nicolas entra dans une pièce encombrée où s'entassaient des étagères de boissons et de paquets en tous genres. Au sol, seaux, balais, serpillières. Il trébucha sur l'un d'eux et tomba nez à nez avec Clara – qui de toute évidence, comptait voir Marie et non Nicolas.

Ses longs cheveux, retenus en chignon bas sur sa nuque, lui rappelait le temps où elle rentrait du fast-food, épuisée par sa journée. Par contre, son expression de stupeur mêlée de colère le ramena très vite au présent.

— Ni... qu'est-ce que tu fiches ici ?

— Elle m'a laissé entrer.

Elle pinça les lèvres et jeta à la porte un regard mauvais.

— Va-t'en.

Son regard en aurait persuadé plus d'un de faire demi-tour sur le champ. Mais fidèle à lui-même, Nicolas ne se démonta pas et ne céda pas d'un centimètre.

— Clara...

— Va-t'en, j'ai dit !

— Non.