4.2 : Liens

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Avant de ne plus trouver le courage de se relever, elle sauta sur ses pieds et chercha du regard, sans grande conviction, un commerce ou une annexe de mairie où se renseigner. Elle ne trouva qu'un vieux café sorti tout droit du début du siècle. Son sac sur l'épaule, elle s'approcha de la vieille enseigne en bois, sans doute d'époque, et jeta un regard au-delà de la large fenêtre qui s'ouvrait sur la salle. Un vieil homme au crâne dégarni regardait dans sa direction, un léger sourire sur ses lèvres fines.

Devant la porte vitrée, Clara remarqua des affiches et autocollants plus récents indiquant que le lieu faisait aussi office de bureau de poste et boulangerie. Quand elle posa sa main sur la poignée, elle espéra qu'il serait ouvert ; au vu de la fréquentation des lieux et de l'heure, rien n'était moins sûr. Mais la porte céda sous sa poussée et un carillon suspendu avertit aussitôt le propriétaire de son entrée.

La propriétaire.

Une femme d'une quarantaine d'années apparut par une porte au fond de la pièce, les yeux ronds de surprise. Dans un si petit village, tous les habitants se connaissaient sans doute, à plus forte raison celle qui tenait un lieu de rassemblement. Les étrangers ne devaient pas se bousculer un début d'après-midi en pleine semaine.

La femme essuya ses mains sur son tablier et se glissa derrière un vieux comptoir en bois vernis, marqué par le temps et les boissons renversées. Une bouffée de nostalgie submergea Clara. Cette ambiance rétro, bien que différente, lui rappelait le bar de Georges.

— Bonjour ! dit-elle.

— Bonjour, répondit Clara avec une émotion subite.

— Une nouvelle tête, c'est rare par ici. Vous n'êtes pas perdue au moins ?

Clara posa son sac à ses pieds et sourit à la tenancière.

— Non, non.

— Tant mieux ! Qu'est-ce que je vous sers ?

— Un... café ?

— Noir ?

— S'il vous plaît.

Clara s'installa sur un tabouret haut qui, lui aussi, avait vu de meilleurs jours. Elle observa les gestes précis de cette femme qu'elle ne connaissait pas encore. Avec ses cheveux noirs relevés en queue de cheval, ses yeux foncés et son léger embonpoint, elle ne ressemblait en rien à Georges. Pourtant, Clara avait l'impression d'avoir voyagé dans le temps et retrouvé le P'tit Clarme de son arrivée, plus de trois ans plus tôt.

La salle, presque trop spacieuse pour un village de cette dimension, pouvait contenir à peu près une trentaine de personnes. Peut-être plus que le nombre d'habitants... Le vieil homme se tenait près de la grande vitre, qui offrait sans doute une belle clarté lorsque le soleil daignait montrer le bout de son nez. Dans la même position qu'avant son arrivée, il restait tourné vers la place, son regard perdu dans le vide. La tenancière enclencha une petite radio, dont elle baissa rapidement le son trop fort. De vieilles mélodies crachotèrent par les haut-parleurs, mais pas de jazz ou de swing ici ; simplement de la variété vieille de quinze à vingt ans.

— C'est la seule station qu'on capte ici, dit-elle sur un ton d'excuse.

Elle s'approcha ensuite de la grosse cafetière, plaça la tasse qu'elle venait de sortir dessous et enclencha l'interrupteur. La machine émit un vrombissement qui résonna fort dans la pièce quasi vide.

— Vous venez d'où ?

— De Clarme.

— Oh... vous y étiez lorsque l'élection a dégénéré ?

L'Héritage (L'Hybride, Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant