Atteindre La Cible [M/M]

11. Une mort certaine

Je suis totalement dépassé et effrayé par la tournure des événements. Le coeur battant, couché sur le ventre, Bertrand au-dessus de moi, son visage niché dans mon cou, j'attends que la bombe explose. Son poids qui m'écrase quelque peu, ses bras qui me serrent fermement, ses lunettes de l'autre côté de la pièce. Je ne sais pas quoi vous dire.

Une minute avant, nous étions encore dans mon bureau dans la pièce adjacente à celle-ci. Nous nous sommes réfugiés dans ma petite salle de repos, face contre terre, attendant qu'une explosion ait lieu. Oui, une explosion.

J'ai hurlé à l'attentat à la bombe le chapitre précédent, vous avez déjà oublié ? Mais bizarrement, rien ne passe. Aucun son, pas de fumée détectée par l'alarme à incendie, Bertrand se relève doucement, il doit sûrement se poser la même question que moi.

— Pourquoi rien à éclater ou exploser ? me demande-t-il, confus.

Je grogne et tente de me retourner pour croiser son insupportable regard.

— Si je le savais, serai-je encore ici à devoir vous regardez par cet angle inconfortable ? dis-je, irrité.

Je suis encore couché, mais cette fois sur le dos. Bertrand encore à moitié étalé sur moi, qui me surplombe de toute sa hauteur, nos visages juste à quelques centimètres l'une de l'autre, j'arrive à sentir son parfum muscé et viril, une senteur assez sauvage. Cette position est un stupide cliché de cinéma. Ne vous méprenez pas, je ne regarde pas les romances mielleuses avec ce soupçon douteux de sexe irréaliste qu'on trouve toujours dans les scénarios hollywoodiens.

Hmm ?

Malgré ma remarque sarcastique, Bertrand ne bouge pas. Il veut que je lui fasse un dessin pour qu'il se lève ? Il a quoi à me fixer comme ça ? Ce n'est pas la première fois qu'il me voit. Je me sens mal à l'aise tout à coup. Il me fixe dans les yeux comme s'il cherchait quelque chose à l'intérieur. Son regard noir est profond et saisissant. Maintenant que j'ai l'occasion de le voir de plus près, sans ses lunettes, je le trouve... comment dire... bel homme.

Son air stoïque de tous les jours ne lui rend pas justice, il a un visage rond adorable, les pommettes saillantes, des yeux presque bridé qui les rendent mystérieux, sa bouche pulpeuse dont la lèvre inférieure est claire et glossée, à l'air si douce... c'est à peine si je remarque la longue ligne sous son menton, on dirait qu'il s'est blessé à l'arme blanche. A-t-il été agressé ? C'est la première fois que je la vois, je n'ai pas l'habitude de le détailler. Je ne saurais dire si c'est cet ensemble harmonieux qui me fascine ou c'est le regard fiévreux qu'il porte sur mes lèvres. Je ne sais pas ce qui se passe, mais il y a une pression étouffante dans l'air. Instinctivement, je touche son visage sur la légère balafre. Une chaleur naissante dans mon bas ventre me rappelle vivement un détail que j'ai oublié...

Seigneur !

— BERTRAND !

Je le pousse de l'autre côté sans état d'âme.

Je n'arrive pas à croire que j'étais "presque" entrain de caresser un homme. C'est inconcevable ! C'est illogique ! C'est un sacrilège ! Une malédiction ! Sans me faire prier, je fais un signe de croix et demande pardon à Dieu.

Je ne suis pas un fervent chrétien comme les autres membres de ma famille, mais je suis conscient de son existence. Je viens de péché. C'est tout simplement horrifiant. Je ne suis pas... Je refuse de prononcer ce mot.