Atteindre La Cible [M/M]

35. Franchir les limites.

Je suis de retour au pays. La semaine à Madrid a été une des plus longues de mon existence. Céline est rentrée chez elle. Je viens de poser mes fesses dans le grand salon. La fatigue sort délicatement de mes pores.

- Tu es déjà là ? Je pensais que votre avion atterrissait demain, dit Nicole.

Je l'ignore et me lève.

- Tu vas continuer à faire la sourde oreille ? De toute façon je voulais te dire que j'ai discuté avec la belle-mère de ta fiancé. Nous avons convenu qu'une réception officielle où nous pourrons inviter nos familles respectives est une excellente idée. Un bal masqué, ce sera amusant. Vu que nous avons une maison plus grande à Yamoussoukro, j'ai décidé de l'utiliser. Qu'en dis-tu ?

- Elle sait que tu t'es tapé son mari ?

Nicole sursaute légèrement, prise au dépourvu par mon commentaire.

- Tu sais quoi Denis ? Tes commentaires incisifs ne m'atteignent plus. Tu peux me diaboliser autant que tu voudras parce que tu sais pour ce que j'ai fait, mais est-ce que tu t'es déjà demandé si ton père ne m'avait pas poussé à faire ça ?!

Ben voyons.

- C'est ça ta carte ? Le coup de 'ton père n'était jamais là' ? Tu devrais avoir pitié de toi, Nicole.

- Espèce d'insolent et de fils ingrat, je n'ai que faire de ta pitié. Tu as mis ton père sur un piédestal si haut que même si je te mettais face à la vérité, tu l'ignorerais exprès.

- Si tu as quelque chose à dire, dis-le, parce que pour l'instant tu ne dis rien.

Nicole sursaute à nouveau, cette fois-ci un brin de tristesse dans les yeux. Son regard devient lointain, comme si un souvenir refait surface. Je n'ai pas le temps pour ça. Je vais dans ma chambre me reposer.

******

- Tu m'as menti !

Depuis deux heures de temps, Omar me fait des remontrances pour ne pas lui avoir parler d'Emilie. Il a appris la nouvelle par les magazines. Mon mannequin préféré est là pour un shooting photo. Il s'agit d'une collection d'une de mes élèves, elle est tellement réussi que j'ai décider de la présenter à une exposition culturelle sur la mode ethnique. C'est un salon qui a lieu deux fois par an, je ne pouvais pas manquer d'être son parrain pour ses débuts.

J'ai choisi Omar et Vanessa, une autre de mes modèles, pour mettre en valeur ses pièces. La séance pourrait aller plus vite si Omar arrête de gesticuler. Il fatigue tout le monde.

- Si tu ne restes pas tranquille, je te promet de choisir quelqu'un d'autre, dis-je, avec froideur.

Il se calme, instantanément.

Je suis à fleur de peau. La moindre incartade ou d'écart de conduites me fait tourner au quart de tour. Pour calmer mes nerfs, je bois presque tous les soirs. Je rentre parfois saoul. Les autres habitants en dehors d'Hélène, ne l'ont pas remarqué. Comment le pourraient-ils ? Ils sont dans leur monde. Il n'y a rien à dire, Bertrand était notre ciment. J'ai souvent l'impression de l'entendre fredonner dans le couloir quand il passe devant ma chambre, ou son ombre quand il fait des pâtisseries pour tout le monde.

Est-ce que je lui manque ?

Ma façon à moi de faire mon deuil est dérisoire, immature et dangereux, mais c'est la seule manière de me dire que je revis. Sans compter toutes les femmes qui passent dans mon lit. Si je dois me marier avec cette fille, elle devra se résoudre à ce que l'infidélité soit notre lot quotidien.

Je deviens fou quand il s'agit de lui.

Je ne sais pas comment gérer mes émotions.

C'est l'heure de pause. Je fume une cigarette hors du studio. J'ai arrêté de fumer quand j'avais dix-huit ans lorsque mon père m'a surpris dans ma chambre avec de la drogue. Denis était au courant de cette mauvaise manie et il avait déjà essayé de me faire arrêter, ça n'a pas marché, mais lorsque mon père m'a donné une seule gifle et un regard plein d'amour au même moment, la chair de poule qui a circulé en moi fut nécessaire pour que je change de résolution.