12. Dithyrambique

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Un désastre !

Je suis un homme mort !

Ne soyez pas perturber, chers lecteurs. C'est votre humble serviteur, Bertrand. Je vais essayer de vous décrire le tableau qui se dessine. Nous sommes à la demeure, il est 20h45 d'après la pendule Elizabethaine à côté de moi, la famille Zokou est installée à table et ils ont déjà entamé le dîner.

Le petit bug dans ce dessin est que : Denis est debout face à sa mère et la fixe avec dédain, sa joue droite encore rouge de la gifle qui l'a reçu de ma patronne ; Nicole est debout et vise son fils cadet d'un regard noir ; les jumelles sont sidérées par la scène ; Nathan est lui aussi en colère parce qu'Henri est sorti de table en pleurant.

Je suis à quelques mètres derrière Nicole, en compagnie d'Hélène la nouvelle gouvernante, nous sommes à la limite de l'anxiété. Croyez-le ou non, mais c'est de ma faute.

Attendez je met arrêt sur image. ( La scène est bloquée et Bertrand se retourne pour fixer les lecteurs. )

—Bien, je vais commencer depuis le début. Depuis que nous avons découvert le dépositaire de la bombe.


******

Cette journée a commencé vraiment mal. Entre : mon rentre-dedans pour obliger mon propre patron à me réembaucher en tant que son nouveau secrétaire, l'avortement de l'assassinat de ce dernier par une bombe fait maison, la prise de décision sur ce que nous devions faire du paquet piégé, et enfin faire mon travail d'assistant ; je suis crevé.

Je pense avoir perdu dix kilos rien qu'aujourd'hui. Par contre, quelqu'un d'autre supporte cette pression. Denis, lui, rayonne de mille couleurs, alors qu'il a fait quatre réunions d'affiler sans prendre une pause, c'est surhumain. C'est plutôt bizarre. J'ai passé plusieurs années à tenir une maison plein de "singes" sans sourciller, mais là je n'arrive pas à tenir une journée en tant qu'employé de bureau ? Je devrais me remettre en question.

Mon patron à l'air de ranger ses affaires.

Déjà ?

Je regarde la montre, il n'est que 18h03. Je suis très étonné. Il rentre à la maison aux environs de 21h presque tous les soirs. Peut-être que je me suis trompé et qu'il doit lui aussi être exténué.

Peut-être qu'il l'a un rendez-vous d'affaires.

Il me regarde d'une drôle de façon. Ses pupilles se braquent sur moi avec une telle intensité. Ai-je quelque chose sur le visage ? Il se rapproche de moi. Il me rend très nerveux. Il est toujours aussi élégant en costume trois pièces, bien que la température hors de la climatisation des locaux ne permet pas ce type de tenue. Il sait se mettre en valeur et rien que de le voir se mirrer tous les matins à la recherche de la moindre imperfection vestimentaire, me met en émoi, car j'ai le loisir de le scruter de la tête aux pieds. Il marche très lentement en me fixant droit dans les yeux. Cet homme n'a aucune idée de l'effet qu'il l'a sur moi, garder cette image d'une personne sereine et équilibrée est insoutenable. J'ai juste envie de me jeter sur lui.

En onze ans, on apprend à se tenir à carreaux face à un sentiment pareil, pourtant je ne peux supprimer les émotions qui m'envahissent.

Il est à quelques mètres de moi. Je me délecte de cette magnifique statue façonnée par la nature. Mes mains me démangent.

Bertrand Félix TABOU ! Reprends toi, ne cède pas à tes désirs !

—Vous voulez que je vous fasse un dessin ? Rangez les papiers, on rentre, dit-il, agacé.

Atteindre La Cible [M/M]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant