13. Batman ou Superman ?

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- J'espère que les paroles de Nicole ne t'ont pas blessé ? Elle n'a jamais été favorable à l'épanouissement des prolétaires ou des personnes qu'elle catégorise de la même classe, dis-je à Bertrand pendant qu'il me suivait dans le couloir menant à ma chambre.

Ma colère est toujours aussi vive, Nicole a insulté mon autorité devant tout le monde, c'est insupportable. Je déteste être contesté par les autres.

- Je ne suis guère offensé, monsieur. Madame a raison de dire que nous ne sommes pas-

Je fais volte face et il se cogne presque à moi. Malgré notre différence de taille, je m'impose à lui. Je ne tolère pas que mon physique soit un obstacle à mon charisme. Vu son air dérouté, j'ai réussi à le prendre de court.

- Silence ! Ne donne pas raison à ce genre de comportement, dis-je, contrarié. Tu déshonores ton ancien maître.

Mon interpellation le choque. Il ne rétorque pas à mon ordre alors que nous continuons de marcher.

- Je sais à quel point tu as respecté père de son vivant. Tu as toujours été un très bon majordome et nous sommes très satisfait de ton travail dans cette maison. Une seule idée me tracasse.

J'entre dans ma chambre, Bertrand à mes trousses. Il referme délicatement la porte et me parle.

- Laquelle, monsieur ? demande-t-il, assez confus.

- Mon père t'a offert le poste d'assistant il y a déjà onze ans. Pendant tout ce temps, pourquoi n'as tu pas abandonné ? Si les employés à KoZo veulent m'éliminer c'est pour une raison très précise, ma personnalité. Toi, tu ne te plains jamais, tu ne baisse jamais les bras, tu acceptes toutes mes décisions sans broncher, pourquoi ?

Je vois qu'il détourne la tête. Il n'a pas l'habitude de montrer ses émotions mais aujourd'hui j'en ai vu trois. La première était de l'embarras quand nous étions cloîtrés dans ma salle de repos. La seconde était de la joie, avec son sourire espiègle quand il s'est joué du coursier et quand je lui ai demandé s'il avait déjà mangé. Maintenant, il m'a l'air honteux ou timide, je n'arrive pas à différencier. Pourquoi cette question le met dans cet état ? Ce sent-il obligé de le faire parce qu'il a été ordonné par papa ? Bertrand est très mystérieux.

- Si tu ne veux pas répondre je comprends.

Il me regarde, soulagé.

Il a si peur de moi ?

Il me demande la permission de partir, j'hésite. Je me sens un peu... seul ? Je voulais un peu de compagnie et discuter du travail avec lui, mais s'il est fatigué je devrais le libérer. J'accepte sa requête et il me souhaite bonne nuit avant de disparaître. Je m'affale sur le lit et prends mon visage dans mes mains. Je sens un vide au fond de moi qui ne peut être comblé par de la nourriture. Je n'ai pas ressenti se vide depuis le décès de mon père, une sensation gênante et oppressante. Un homme avec qui je n'avais rien en commun, pourtant une grande affinité quand j'étais à peine haut que trois pommes. Bizarrement, rien des événements de la journée ne m'ont autant affecté, Nicole, elle, a réussi à m'achever.

J'ai besoin de me reposer. Je me couche dans mon lit et prends une position foetale. Je me sens lasse. Mes paupières sont lourdes, je lutte contre les bras de Morphée. Tout se mélange dans ma tête sans que je puisse reconstituer chaque scène de ma vie. Un regard vers le haut de mon armoire me donne un frisson. Ce qui s'y trouve, caché dans la pénombre, me captive. Tel un somnifère qui empoisonne mon sang, mes paupières s'affaissent enfin.

- Papa.

🔸️🔸️

- Papa ! Papa ! Regarde ce jouet, je le veux s'il te plait, supplié-je mon père.

Atteindre La Cible [M/M]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant