62. Il ne le faut pas.

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Les jeunes de Babi sont des alcooliques. Le bar restaurant où j'attends mon rendez-vous est bondé. Ce n'est pas loin de l'hôtel et c'est près de la lagune. Les <<enfants>> ont à peu près la quinzaine en montant, mais ont leur sert de l'alcool, c'est terrible. Il faut retirer les licences de certains établissements dans ce pays. À un tel âge ils font ça, quand ils seront adulte se sera comment ? Je plains les parents et leurs futurs partenaires qui en subiront les conséquences.

Pour me distraire de cette image écrasante de l'avenir de la nation, je sens l'odeur corsé et vertigineux de l'eau salée qui inonde mes poumons. Cette pause sur la terrasse me rappelle le restaurant de ma sœur. Mes neveux me manquent, je devrai penser à les visités quand tout ceci sera terminer.

Avec lui.

J'espère que Denis et sa mère vont bien. Il n'y a rien pour nous le montrer, même pas une demande de rançon. J'aurais préféré être kidnappé à sa place.

Nous venions à peine de consommer notre amour.

C'est injuste.

Je veux le revoir.

Ramenez-le moi !

Mes pensées morbides sont interrompues par l'arrivée d'une vieille connaissance. Quand elle me voit, elle vient dans ma direction avec un large sourire. Cette femme s'appelle Léontine Digbe alias Domino. Elle est de peau foncée, ronde et très élancée. Son slim moulant et sa tunique rouge lui donne un physique plus agréable qu'il ne l'est vraiment. C'est une fille banale au nez épaté, dont le véritable charme est son intelligence. Elle a mon âge, mais fait plus âgée à cause de son tissage et son maquillage fourni.

Elle me fait des bises et prend place.

- Je suis désolé pour mon retard, BT. J'ai d'abord pris une mauvaise rue. Tu connais Babi et ses recoins un genre genre !

Je soupire.

- Je t'ai déjà dit de ne plus m'appeler ainsi. Nous n'avons plus dix-huit ans. Comment te sentirais-tu si je continuais à t'appeler Domino ?

- Je serais flatter ! rit-elle. Le grand BT qui m'appelle après plusieurs années pour un service ? J'ai vu ça comme film ! Je ne savais pas que tu avais encore mon numéro, deh. Mon frère d'une autre mère ! Tu m'as manqué deh.

Je souris légèrement en la regardant jubiler. Cette fille fut jadis mon véritable bras droit quand je vivais ma première vie. Un vrai garçon manqué qui influençait par sa taille et sa voix nasillarde éraillée par la consommation de narcotique. Ses lèvres ont noirci à force d'aspirer le poison. Léontine était un <<frère>> si vous voulez tout savoir. Même si à l'époque elle avait un faible pour moi, elle le cachait mal en allant de droite à gauche avec les membres de notre petit gang. Elle était même tombée enceinte d'un des connards, mais ne connaissait pas lequel. Un coup dur qui s'est soldé par un avortement raté, détruisant au passage ses trompes et sa chance de féconder. Elle a dû faire avec cette fatalité et reconnaître qu'il était trop tard. Néanmoins, je n'ai jamais cessé de la côtoyer après mon départ de la rue.

Elle était la seule qui savait que j'étais gay. Elle avait accepté cela avec une grande maturité. J'ai arrêté de la fréquenter quand elle est partie en prison pour un braquage de banque qui a mal tourné, il y a sept ans. Je savais qu'elle était sortie au bout de quelques mois pour faute de preuves, mais je ne tenais pas à ce que les ondes du passé se répercutent un jour sur moi.

Belle ironie ! Vu que c'est moi qui l'ai contacté pour le cas de Saïd.

- Appelle moi juste Bertrand, s'il te plait. Au pire, Félix. Tu sais qu'il n'y a que Nina qui m'appelle comme ça.

Atteindre La Cible [M/M]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant