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Fiévreux, Cyril regarda le cadran de la petite montre qui décorait son poignet gauche, huit heures, déjà. Que faisait donc sa femme à cette heure-là ? Sans doute demeurait-elle assise à table, accablée à son labeur et bien trop occupée pour se soucier de son retard. Oui, il voyait jouer Clothilde, lorsqu'il fermait les yeux, elle bougeait à côté d'elle criait et chahutait, excitée par tout le sucre qu'elle venait d'avaler. Tous les mardis c'était pareil : la belle emmenait la petite, dès la sortie de l'école, et toutes deux ne rentraient que très tard lorsque la ligne rouge du soir rabattait d'un coup le voile de la nuit. Cela lui en laissait tout juste le temps, celui de prendre le bus, de sauter à son arrêt pour courir dans ses bras et ne plus la lâcher. Voilà maintenant trois mois que le bonhomme avait croisé son chemin, comme de par hasard. Il sirotait alors distraitement son thé dans ce sympathique petit bar qui bordait, depuis toujours semblait-il, la grande avenue Lazare. Les yeux perdus dans l'incessant va et viens, et le cœur, plus loins encore, il rêvait à sa carrière, à ce bel avenir qui lui ouvrait bien grand ses portes entre l'amour de sa femme et la tendresse de sa fille... Soudain, plus rien n'avait eu d'importance pour cet enfant songeur qui, trop vite grandit quand il vit son erreur. Cassandra s'était approché, voguant entre les chaises, le gouffre de sa chemise formait sur le devant de sa poitrine comme un v majestueux et ses petits mouvement coquets qui sans cessent rajustaient le rouge de ses mèches derrière son oreille paraient toute sa personne d'une sorte d'aura merveilleusement attirante. Comment aurait-il pu résister ? Vite, d'un bond, Cyril avait quitté son siège, délaissa sa tasse fumante pour se saisir d'une main, qu'il baisa avec émoi. Le contacte de sa peau fine contre la chair ses lèvres provoquait en lui un curieux sentiment : on aurait dit un enfant de foudre étrangement grisant qui s'emparait peu à peu de son âme. Mais d'où lui venais cette audace ? Surprise, la jeune femme poussa une espèce de petit gloussement pudique, mais terriblement sensuel qui embrasa davantage la flamme qui consumait son corps. Séduite ? Deux jours plus tard ils se revoyaient déjà, échangeait au coin de la rue un de ces petits baisers fougueux avant de repartir, chacun de son côté. Et ce soir, oui, ce soir était une fête, une intime célébration, un secret, si précieux, entre un homme et une femme, entre pire et pardon. Cyril franchit la barrière de fer noir légèrement rouillée qui cerclait sa maison, courut le long des dalles qui parsemaient l'allée pour enfin se ruer devant la porte, où elle l'attendait. Il lui tendit les fleurs, celles qu'il avait choisi, un bouquet de glaïeuls, blancs tels le la neige qui recouvrait en fine couche le toit de sa maison. Cassandra les huma avec délice avant de l'attirer, pour quelques heures encore, dans son antre de péchés.

La tâche blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant