-Que sais-tu vraiment de moi ? murmura Karl, du bout des lèvres.
Camille entrouvrit la bouche pour répondre, mais un flot incroyable, d'images, de paroles ou juste d'émotions déferla comme en cascade devant ses yeux ébahis. Dedans, il n'y avait que Karl. Un homme merveilleux, une créature fantastique, un fils du ciel sur Terre... Mais aucun mot pour le décrire vraiment. Ah ! Voilà qu'il en avait vécu, vaillant héros auprès de son ami ! Jour après jours, depuis presque deux mois ! Et pourtant, une seule réponse ne découlait de sa bouche autre que ce terrible :
-Rien.
L'étranger hocha la tête.
-Dis-le plus fort.
-Je ne connais rien de toi, répéta l'adolescent, Ni ton nom, ni ton adresse... Je ne sais même pas ta couleur préférée !
Il acquiesça une nouvelle fois.
-Crois-tu savoir pourquoi ?
-Non, continua Camille, bien sûr que non, je n'ai pas l'orgueil de prétendre savoir tes secrets les plus noirs.
-Bien...
-Je sais exactement ce qui m'empêche... Ce qui nous empêche, à tous, de te comprendre !
Cette fois, le bel homme ne dit rien, il semblait attendre, on-ne-sait-qui, on-ne-sait-quoi, peut-être une délivrance, un charme dans sa vie qui ôterait de son dos les plus sombres conflits.
-Et alors, quelles-sont ces raisons ? l'interrogeait de plus bel l'homme-mystère avec un léger sourire qui, malgré une légère anxiété qui plissait ses bordures se voulait bienveillant et plein de tendresse.
-Tu n'es pas humain ! répondit simplement Camille, c'est la seule explication !
Le sourire ne disparut pas, bien au contraire, il parut se muer en quelque chose d'encore plus doux, d'encore plus triste, d'encore plus incroyable. Il aurait pu encore l'interroger, renier tous ses propos et l'envoyer à jamais dans la tombe d'où il venait. Mais, à quoi bon lutter ? C'était fini, le gamin le démasquait et sa mission, sa terrible mission en débutait à peine.
-Assieds-toi.
Il qui indiqua un coin de roche, tout près de lui. Le garçon s'approcha, d'abord hésitant, mais nullement effrayé de ce qu'il avait toujours su ; et s'assit, contre ce père d'un autre monde. D'une main si douce et pourtant si forte, Karl caressa les cheveux du petit homme à son côté. Lentement, avec toute la tendresse du monde, celle que seul l'amour, le vrai, l'insubmersible ne peut prodiguer, il passa ses doigts fins sur les contours de son visage, s'attardant sur chaque trait, chaque griffure sur ses joues pour finir leur course sur la fleur de ses lèvres.
-Maintenant écoute, chuchota l'ami, le frère, le père au creux de son oreille, si bas que l'on pouvait à peine l'entendre ; écoute et regarde-moi. Tu sais ce qu'est un ange ?
Camille ne répondit rien.
-Gamin ? répond-moi !
L'adolescent hocha la tête.
-Bien... Alors tu connais aussi toutes ces histoires avec Dieu, les plaies d'Egypte et tout ça ?
Cette fois il n'attendit pas de réponse.
-Alors imagine-toi un instant un endroit, sur la Terre où chacun ne ferait que ce qu'il veut : le crime, la violence et l'adultères, répandus à chaque coin de rue.
-Combebrume ? murmura le garçon.
-Oui.
-Tu as été envoyé par Dieu nous punir ? Tous ces morts... C'est de ta faute ?
Il commençait de pleurer. De grosses larme, des larmes de douleurs, celle d'avoir cru, d'avoir été trahi, abusé et d'aimer, plus que jamais ce démon contre son corps.
-Non Camille, enfin... Pas exactement.
Ce dernier releva la tête.
Je devais sauver quelqu'un, une personne, une âme pure et innocente, et je t'ai choisi toi.
Le gamin, car il ne demeurait qu'un gamin, malgré cet esprit mûr et ses larges épaules, il ne restait en fait qu'un simple petit enfant, tout juste sorti du banc de son école, mais hélas, pour toujours ; sanglotait désormais, sa tristesse dégoulinait en grosses gouttes le long de ses cils tandis qu'il se serrait, encore plus violemment au monstre du pardon.
-Et qu'est-ce que tu dois faire maintenant ? réussit-il, tant bien que mal, à haleter.
Karl continuait de caresser son pauvre crâne au cœur brisé, mais cette fois, avec davantage d'amour et de passions que vous et moi n'en auront jamais.
-Moi... Mon Seigneur et formel, je dois tout brûler, cette ville disparaîtra et tu sera sauvé. Il ne faut pas en rester une poussière, c'est mauvais pour le monde, tu comprends ?
Camille s'arracha soudain de son étreinte en joue à une telle violence que l'on avait encore mal à croire en l'élu du bonheur plutôt qu'en un diable qui bondit de sa boîte.
-Non Karl ! Ne fais pas ça, je t'en supplie ! Des gens vivent dans cette ville, des femmes, des enfants... Oui, ils ne sont pas des anges comme toi, mais ce sont mes frères, tu piges Karl ? Ma famille, mes amis !
-Tsapkiel.
-Pardon ?
-Mon nom est Tsapkiel, répéta l'ange, criant presque, je suis la loi de Dieu gamin, et vous, vous n'êtes qu'un immonde troupeau qui piétine la poussière !
La divine créature arborait désormais un teint luisant de rouge tandis que ses beaux yeux, devenus noirs et profonds sondaient l'alentour avec dégoût.
-Je suis Tsapkiel, je suis la fin, la sentence et le départ, je suis un message, celui qui tuera l'homme pour une Terre plus belle et un univers heureux, et j'accomplirait ma mission, quand bien même je devrait y perdre mes ailes !
À ces mots, tout son vêtement paru tomber en lambeau tandis que quatre ailes, immenses, noires et resplendissantes se déployaient fièrement de derrière son dos en une glorieuse traînée de plumes.
Camille fixa un instant cet homme qu'il ne connaissait plus, un démon, beau et terrifiant à la fois dont l'amour mêlé de haine faisait battre son cœur, un peu plus, à chaque seconde. Puis Tsapkiel s'envola vers la ville déchue, ne laissant derrière-lui qu'une caverne vide et un enfant, brisé.
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La tâche blanche
HorrorLe mal... Il réside en chacun de nous, dans nos cœurs et dans nos gestes. Il nous possède, nous contrôle complètement et ronge, plus vicieux que la nuit, nos tendres sentiments. Prenez garde, vous qui croyez au bien, qui fausser dans l'espoir d'un s...