Doucement, Clothilde avança sur la pointe des pieds et ferma la porte derrière elle, elle était dehors désormais. Des lampadaires éteints sur une rue déserte ? C'était donc de cela que Maman tenait tant à la protéger ? Un petit gloussement s'échappa du fond de sa gorge. Non, bien sûr que non ! Il n'y avait qu'à sentir l'odeur fétide des lieux ! Un parfum terrifiant, mais affreusement vrai qui semblait noyer toute entière la cité abandonnée. De part et d'autres, quelques personnes, "endormies" sur les trottoirs semblaient avoir été oubliées, sans doute pour le leur rappeler, à tous, que la Mort ne se cache jamais loin. La petite fille qui, d'abord, n'osa guère bouger tenta finalement un pas timide au dehors de l'abri. Un tout petit pas de rien du tout, certes, mais ces quelques mesures qui séparaient maintenant la fillette de sa mère marquèrent à tout jamais la fin de son enfance en un bouquet de chardons noirs. Ses minuscules petons caressèrent le goudron et Clothilde 'élança vers le premier, elle désirait savoir, en avoir le cœur net. Le bonhomme, un ancien au ventre rebondi reposait inerte sur le sol humide. Ses moustaches grisâtres surmontées d'un large nez aquilin pointées vers le ciel où deux yeux vitreux paraissaient -comme- éternellement plongés. Le souffle court, la nouvelle femme passa consciencieusement sa manette au dessus de sa bouche, puis de plus en plus près jusqu'à complètement toucher la peau flasque du cadavre : pas un souffle d'air ne sortait de son ventre. Ou plutôt si, un vent de panique, qui ébranla soudain la petite fille grandie. Vite, en de rapides gestes saccadés, la fillette débarrassa le torse du vieillard de ses "énormes paluches" et, tout aussi prestement, posa son oreille à son dessus, là où, normalement, un tam-tam devait battre. Silence. Clothilde releva doucement son petit visage sur lequel de minuscules larmes commençaient de poindre. Elle avait raison, Maman lui mentait depuis toujours. Il n'y avait jamais eu de montée au ciel, de longs sommeils, ni de voyages au bout du monde, la Mort était quelque chose de laid, quelque chose d'ignoble qui survenait comme cela, au détour de la rue. Sans prévenir ? Mais alors, elle demeurait en danger ! La Mort, cette horrible Mort essayerait de l'attraper ! Clothilde bondit loin du défunt, le regardant avec dégoût et courut telle une folle vers la porte de sa maison, restée entrouverte et dans laquelle elle s'engouffra, la claquant bien avec force avant de s'avachir sur le sol pour pleurer.

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La tâche blanche
KorkuLe mal... Il réside en chacun de nous, dans nos cœurs et dans nos gestes. Il nous possède, nous contrôle complètement et ronge, plus vicieux que la nuit, nos tendres sentiments. Prenez garde, vous qui croyez au bien, qui fausser dans l'espoir d'un s...