La tâche blanche

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Pour Jeanette en revanche, les choses n'avaient jamais semblé se dérouler aussi bien, la pauvre femme venait alors de décrocher un de ces métiers ingrats et trop communs que les plus hautes classes méprisent tant ; et quittait la préfecture la pas léger et le cœur battant. Ah ! Qu'elle était heureuse la Jeannette, de rentrer chez elle avec un ordre, promesse d'un meilleur lendemain ! Pour sûr, ils sauteraient tous de joie, son mari et sa fillette, quand il la verraient rentrer, claquer la porte du taudis et tendre bien en l'air le dossier brun garni et la liasse de billet qui colorait sa vie. Enfin grossirait-elle la petite poupée, dont les joues tendres et roses s'étaient un peu creusées, enfin elle gouterait, après deux dures années à ce plaisir charnel tant de fois refusé. Ah ! Elle sentait déjà la viande et son jus flamboyant ruisseler sur ses papilles en milles et une cascades, quel délice ! Combien de jours avait-elle dû s'en priver ? Rien que d'y penser, le bord de ses lèvres se teintait vite de blanc et dégoulinait distraitement tout du long de son menton. La fabuleuse nouvelle venait en réalité de cette matinée même, de l'heure à laquelle le rouge de la vie commençait tout juste à poindre sur la ville déserte. Là, un homme, brun, mince et d'une noblesse accomplie avait poussé la porte de la modeste échoppe en laquelle elle se livrait, ils cherchaient quelqu'un, n'importe qui. Et ce n'importe qui, c'était elle, Jeanette l'avait su à la seconde ou il lui tendit l'article afin qu'elle puisse l'observer et voir entre ses pages son destin s'élever. Sa chance, son désir, sa vouée. Oh ! Elle aurait alors pu l'embrasser, cet inconnu futile, un simple passager, à qui elle empruntait, comme chaque jour en fait, le fin bout de papier qui nourrissait son être. Et la voici maintenant, à marcher dans la rue, joyeuse et pleine d'une  vie qui ne lui paraissait plus. Oui, n'y avait des mort, à cette heure, dans cette ville, mais le cœur d'une mère qui sauverait sa fille.