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Camille tentait alors de s'agripper au moindre rocher, au moindre arbuste qui fuyait sous sa main. Hélas, en vain, Karl l'attirait toujours, par le bout de son poignet, vers un cruel destin, celui de son passé. Au loin, Combebrume semblait flotter sur un nuage de poussière. Et comme il aurait voulu ne jamais la revoir ! Ces moments, bien que rares d'amitié avec l'inconnu lui manquaient déjà ! Oui, c'était bien étrange... Tous ces proches adorés laissées à l'abandon, tels un vulgaire chiffon ; ne devraient-ils pas tous manquer au cœur tendre d'un si jeune garçon ? N'étaient-ce que ces amours qui fuyaient sa pensée, ou une part plus grande, celle de son humanité ? Demeure t-on bien fils d'Eve quand plus rien ne peut compter, plus de mère, plus de père, plus même de volonté ? Corps est-il seul limite à notre société ? Et Mort encore des notre de son âme en allée ? Et Camille avait peur, et Camille tremblait, seul, tout seul enchaîné à un bras qui le traînait plus bas que Terre. De partout le sable s'infiltrait en lui, vicieux tel le serpent. Il sciait ses mollets, agressait ses genoux et, toujours remontait le long de ses deux cuisses. Son pantalon, maculé de sueur et de crasse collait à même sa peau d'une vicieuse sensation de moiteur, mais surtout, de désespoir. Soudain, il n'y tînt plus, il arracha sa main de celle du gardien et s'arrêta. Il faisait trop chaud et il avait faim, mais surtout, il avait un destin. D'abord, son ami continua d'avancer, ne se souciant de lui comme pour l'obliger à marcher. Puis, voyant que l'enfant ne le suivais plus, se tourna face à lui.

-Allez, avance ! ordonna brutalement Karl, On y va.

Le grand homme se remit à tirer, mais Camille ne bougeait pas, ou du moins, pas volontairement.

-Aller ! s'impatienta l'inconnu, Il commence à faire tard, viens si tu veux être rentré avant la nuit.

-Non, répondit l'adolescent, plus buté que jamais.

-Comment-ça, non ? Arrête tes bêtises et remettons-nous en route.

-Non, répète Camille, vous n'avez pas entendu ? J'ai dit non ! Je ne rentrerai pas là-bas.

La tempête arrivait, doucement, les yeux azurs de Karl commençaient de se muer en une toute autre couleur, plus sinistre et terrifiante. Et au loin, demeuraient-ce bien du tonnerre que le jeune garçon percevait ? Non, cela devait forcément être son imagination.

-Gamin... Je suis désolé, j'aurais vraiment aimé que cela ce passe bien, mais tu as échoué.

L'orage était là. De fantastiques bourrasques valsaient avec le sable tout autour des deux hommes tandis que les yeux de l'ange-démon ne rayonnaient à présent plus que de noir. Non pas ce noir fin et harmonieux que chacun aime à avoir lorsqu'il ferme les yeux. Non, je parles d'un halo destructeurs de ténèbres maudites qui semblaient dévorer tout, absolument tout, du satyre à l'Aphrodite. Et l'enfant aussi. Il hurlait, la bouche grande ouverte et luttai contre cet chose qui voulait l'emporter.

-Non Karl ! C'est vous qui avez échoué ! J'ai été patient, beaucoup trop patient et vous m'avez déçu ! Sachez que je préfère mille fois rentrer plutôt que de rester enfermé  dans votre caverne pourrie ! C'est dommage, moi qui pensait enfin avoir trouvé quelqu'un qui me comprenne...

Ces paroles résonnèrent dans la pénombre de coucher tels de véritables coups de canon, on aurait dit que l'ouragan entier fermait son long manteau tandis que le souffle furieux du vent paraissait s'enfuir, aussi vite qu'il était venu. Lui aussi avait retrouvé son teint de nacre, et ses yeux de saphir que Camille lui aimait tant. Cependant, pour la première fois qu'il le connaissait, l'étranger tournait ses pupilles inquiètes de la gauche vers la droit : il hésitait ! Finalement, Karl repartit d'où il était venu, tirant encore plus fort le garçon du bout de son bras. Un mince sourire illuminait d'ailleurs le visage de Camille : il avait réussi.



La tâche blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant