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Aujourd'hui, c'était mardi, et qui disait mardi impliquait notre petite balade rituelle, en entre Maman  et moi. D'ailleurs, c'était tout drôle, quand j'y repense à ventre plein : pas un chat ne courait dans les rues, lorsque nous sommes sorties, et je ne me souviens pas avoir croisé personne du pas de notre porte à notre épicerie. Si. Un homme, peut être ? Deux ? Je ne sais plus... Maman aussi était bizarre, elle paraissait tellement tendue ! Comme si, à chaque pied qu'elle déposait sur les dalles, elle s'attendait à voir brusquement la rue entière exploser ! Elle a peur, mais je ne comprends pas pourquoi. Sans doute est-ce à cause de tous ces morts, elle s'inquiète pour moi... Elle ignore comment, elle ignore pourquoi, mais surtout, elle ignore que je le sais, et qu'elle a échoué à me garder pour des années encore en un monde merveilleux où il n'y a pas de mort. Oui, ce doit être cela le plus terrible pour elle, penser, croire plus que jamais en ses mensonges, et s'efforcer, jour après jour de me préserver davantage. Ah ! Pauvre Maman ! Si seule au monde quand elle est avec moi ! Elle m'a menti comme je lui mens, alors que je fais ma candide à poursuivre le lapin blanc... C'en deviens insupportable, je ne veux plus la briser, elle a bien trop souffert lorsqu'il nous a laissé ! Alors je joue le jeu, quand cet homme est tombé, en hurlant "Du blanc ? Mais que...?" avant de s'écrouler, "endormi", ainsi que l'on me l'avait appris. Et elle, Maman, elle a fui, encore. Vite, elle a saisi mon poignet pour m'attirer au loin prétextant qu'il faisait tard, qu'il nous fallait rentrer... Oh oui, bien pauvre de nous en cette nuit fatidique, de ne savoir trouver en le nid familiale, quelqu'once d'honnêteté pour devenir étoile.

La tâche blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant