Dix jours avaient passé depuis le début de leur enquête et la page manuscrite qui devait alors rythmer leurs recherches demeurait désespérément vierge. Rien, il ne trouvent rien quant à ce mal mystérieux qui volait vie après vie dans ces coins sinueux... Une mot, c'est tout ce qui leur restait, griffonné comme en hâte sur une feuille froissée. "TH bla", rien, juste un peu de poussière, les cendres d'une serveuse, d'une amie, d'une mère... Elle, elle manquait déjà à Harry ses petites habitudes, rien de très rigoureux, de si doux gestes rudes... D'ailleurs, le bougre n'avait semblait-il pas touché un verre depuis son décès, l'alcool n'éveillait désormais plus qu'en ses sens que la peur, la souffrance et sa voix qui criait. Pour le mal ou l'avenir ? Toujours est-il que, en ce decennième lever de mystère, les trois amis ne se trouvaient plus guère la volonté d'attendre l'inespérée, une clef de savoir qui dans leurs mains tomberait. Non, cela ne devait plus durer, il leur fallait une pause. Ainsi Cyril, James et Harry fondirent-il sur le premier siège de la première échoppe qu'ils aperçurent pour s'y laisser tomber, enfin. Là, le lieutenant commanda deux café, et un chocolat chaud pour son fâcheux palais et, lorsque la serveuse eut amené les trois bouillants breuvages, aucun des braves compères n'offrit parole à l'autre, du moins, pas avant d'avoir fini sa tasse. Leur seul indice à la main, le jeune homme contemplait les lignes de crayon, sans toutefois réellement chercher à comprendre.
-Pose ça ! l'intima Harry, On a assez bossé pour aujourd'hui !
-On a tous besoin d'une pause, renchérit James, laisse ce papier, Cyril !
Mais ce dernier ne répondit pas, trop absorbé... Ou peut-être, simplement trop têtu pour écouter.
-Tu as entendu ? continua le bougre, laisse ça !
-Non.
-Comment ça non ?
-Non.
-J'vais t'en coller un moi, de "non". Pose ce torchon immédiatement Cyril !
Harry repoussa brutalement sa chaise et empoigna sa main, mais curieusement, toute la fougue qui animait jusqu'à peu ses muscles, la fougue et la violence, semblait l'avoir quitté pour une étrange sensation de calme, la sensation d'être en paix.
-S'il te plaît mon gars, recommença t-il, plus doucement cette fois, je veux pas te perdre non plus !
Dans le creux, de sa paume, le bougre sentit le poignet de son ami se détendre et finalement, retomber sur la table, mollement. Soudain, une voix féminine résonna de derrière son dos :
-Ça veut dire quoi "Tâche bla" ?
Les compagnons relevèrent la tête, Anaïs, la jeune stagiaire du Rusé Bill se tenait devant eux. La gamine sortait à peine de l'adolescente et la pureté se reflétait encore sur son visage long au fossettes rosées d'une couronne de feu. De sous son petit tablier "aux couleurs de la maison", on voyait dépasser deux gambettes fines et blanches chaussées de baskets bleues presque neuves. La jeune file fixait ses clients avec insistance de son œil brun dont le jumeau n'était plus rien.
-Pardon ?
-"Tâche bla", répéta t-elle, ça veut dire quoi ?
-"Tâche bla" ? répondirent-ils d'une voix, ils ne comprenaient pas.
Cyril jeta un petit coup d'œil nerveux à la pièce de papier, bien serrée, bien au chaud dans le creux de sa main. TH bla ! Le jeune homme savait.
-C'est simple ! s'écria ce dernier, On aurait dû y penser avant !
-Penser à quoi ? l'interrogea Harry, Mais enfin, qu'est-ce que vous racontez ?
-Regardez, dit-leur lumière aux deux autres compères, c'est comme un rébus ! On utilise la sonorité "t" suivi de la lettre H et ça donne le mot tâche ! "Tâche bla", elle voulait nous transmettre cela !
Une agréable tension montait en flèche autour du guéridon, seul le lieutenant paraissait contenir sa joie.
-Et donc, ça nous avance à quoi ? les rabroua James, on est pas plus avancés.
Et il avait raison. Lentement, le tendre sourire qui illuminait par la première fois depuis semblait-il si longtemps le visage de Harry s'effaça, cédant bien vite place à une lourde, très lourde mélancolie. Oui, malgré la première de ces clef, le mystère leur demeurait entier.

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La tâche blanche
HorrorLe mal... Il réside en chacun de nous, dans nos cœurs et dans nos gestes. Il nous possède, nous contrôle complètement et ronge, plus vicieux que la nuit, nos tendres sentiments. Prenez garde, vous qui croyez au bien, qui fausser dans l'espoir d'un s...