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Le lendemain, toute la ville demeurait en alerte. Mille et un journalistes avides de savoir, et surtout, de richesses, qui s'arrachaient en hâte trois hommes victorieux. Victorieux ? Non ! Misérables, bien au contraire, tant ils s'affairaient a repousser la horde sauvage ! Misérables car par leur faute, la cité entière paraissait s'effondrer ! Misérables, ces rues bondées de gens, grognant tels des bêtes leur espoir, leur révolte ! Misérables, tous ces vitraux brisés, ces statuettes jetées à terre, ces toiles barbouillées et cette église détruite ! Misérables, ces enfants piétinées, ces femmes écrasées sous la cohue ! De temps à autre, un homme s'effondrait et une âme joignait ciel, bien misérables qu'ils étaient ! Cyril voulut repousser une main, mais celle-ci s'accrochait telle un beau diable à la manche de son t-shirt alors qu'une perche, pareille à une immense faux venue le cueillir cognait presque son menton. Harry le tira en arrière, l'extirpant avec plus de mal que de bien de cette marée humaine, houleuse et agitée. Le jeune homme eut tout juste le temps de voir, de la voir, marcher, éviter d'un pas léger la révolte grondante, sans même daigner lui adresser un minuscule regard. Elle savait qu'il était là, à dix pas d'elle seulement, elle le savait et pourtant elle détournait son visage du sien,  -comme s'- il n'en demeurerait plus jamais digne. 

-Non ! cria Cyril à son sauveur, Laisse-moi lui parler !

-Lui parler ? le rabroua Harry.

 Un étrange pincement venait d'étreindre son cœur, un pincement qu'il ne nierait plus jamais, avec tout ce qu'elle t'a fait ?

-Harry...

-Cyril...

Le bougre posa sa mains sur l'épaule de son de son ami et se saisis prestement de son poignet, il en ressentait plus, mais hélas, ne pouvait le montrer. Cyril se débattit, doucement d'abord, puis de davantage de hargne avant de se dégager complètement de cette trop lourde étreinte.

-Harry, laisse-moi  y aller, supplia t-il d'une voix tremblante, Je l'aime... Bien sûr, tu ne sais pas, mais j'espère vraiment qu'un jour, toi aussi tu ressentira ce que je ressens pour elle.

-Ce sentiment, je le connais déjà.

Le jeune homme releva lentement la tête vers son frère de misère, on aurait alors dit que toute la peine du monde se reflétait en son regard. Jaunes, vertes et bleues... De bien étranges lueurs  qui semblaient valser au fond de sa tête en un royaume secret gouverné par un roi, un seul, une immense pitié.

-Harry, laisses-moi partir, s'il te plaît...

-Je...

-S'il te plaît...

Et le mauvais homme desserra ses cinq doigts, doucement, puis avec une brutale tendresse, il poussa d'un petit coup de paume, le fruit de son péché vers l'émeute rugissante en un dernier :

-Vas-y.

Un mot libérateur, immortelle phrasée, ce soir un homme pleure et l'autre l'a retrouvée.

La tâche blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant