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Alexa reposa son masque près du corps inanimé. Après tout, ce n'était pas ce ridicule petit bout de tissus qui l'empêcherait de crever, comme les autres... À cette heure, tous avaient déjà quitté la morgue, il ne restait plus qu'elle, elle et les quelques trois cadavres qui peuplaient le même gris de sa journée. Où en était-elle déjà ? D'un pas, la jeune femme frôla les visages ternes aux yeux éternellement vitreux qui semblaient la regarder depuis huit heures ce matin avant de s'adosser dos au mur, face à eux. Oui, où en était-elle déjà ? Une semaine, une semaine qu'elle s'acharnait, qu'elle profanait leur tombe à la recherche de rien, une semaine qu'elle déchirait, visage après visage sans trop vraiment y croire. Et voilà qu'ils se moquaient d'elle, tous, ils la fixaient de leur âme morte, bien profond comme pour lui dire, ou mieux, pour lui montrer le triste empire des proches, des amis décimés. Mais qui étaient-ils ? Cassandra, Hemet, Richard.... Juste des noms peints sur leur vie, mais plus d'aucune importance, à l'autre bout du mur. Ce paraissait à peine si de microscopiques asticots ne perçaient la surface de leur teint blêmes, libérant dans le vide l'odeur fétide qu'est la mort. Ah ! Les vers s'en moquaient bien, eux, de ce froid qui envahit ! De cet peur, de ce cauchemar, du tracas et de l'oubli ! Les mouches s'en allaient, cueillaient un bout de peau et repartaient enfin pour semer d'autres maux tandis qu'elle, elle elle voyait la fin, grandir le désespoir et emporter les siens ! Mais que pouvait-elle y faire, enchaînée au destin, que de seule assister au départ du train ? Soudain, Alexa n'y tînt plus, vite, elle décolla de son appui en direction de la table d'examen. La petite scie qui grondait dans sa main gauche telle un coup de tonnerre lançait de toute part les éclats froids du chagrin tandis qu'elle massacrait avec davantage de haine à chaque seconde la chaire de ses victimes. Le sang giclait de toutes part, éclaboussait les verres de ses lunettes et entachaient de rouge la colère de ses doigts. Après cela, serait-elle vengée ? Enfin passa l'orage, enfin revînt tempête, lorsqu'elle abandonna le fléau de sa tête. La jeune femme retira alors sa blouse, la latex de ses gants, les jeta dans un coin pur briser son serment. Elle eut tout juste le temps, devant ses yeux ouvert, de voir l'ultime point blanc qui vola sa lumière.

La tâche blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant