Cette nuit, Gina rêva. Ou plutôt non, il revit, avec toute l'horreur de l'enfance ce beau jour de printemps et sa vie basculer. Ce n'était pas un songe, c'était pire que cela, il savait, il savait tout ! De son regard effrayé jusqu'en son dernier mot... Tout ! Et pourtant, voilà qu'il ne pouvait rien faire, juste le regarder, un sourire sur les lèvres, mais le cœur bas comme terre. À ses côtés, Juana, sa... Mère agitait lentement son bras, un mouchoir à son bras, en le regardant partir. Elle non plus, elle non plus elle l'aimait pas, mais son alliance gravée dans sa chair par la force des coups soufflait encore en son cœur l'espoir du lendemain, de voir revenir son Tiago, l'homme qu'elle avait chéri, autrefois. Et tous les deux partirent, lui, au volant de la camionnette et Miguel, à sa droite. Le moteur ronronnait tel une bête énorme qui se débattait à franchir les reliefs du chemins. Enfin la roue vainquit la bosse tandis que la machine crachait de plus bel, un petit nuage de gris par son pot d'échappement. Dix mètres devaient les séparer maintenant, et ce père trop absent lui manquait déjà. Et soudain, lorsque le jeune homme commença tout juste d'espérer, le tant redouté se produisit. Lentement, la tête de Tiago bascula vers l'avant et le gitan s'écroula, mort, sur son siège. Sur le siège voisin, son ami ne sembla pas réagir de suite, trop hébété pour comprendre, mais cette surprise vite passé céda malheureusement trop lentement la place à une froide terreur, on aurait dit que toute la misère du monde se reflétait en ses prunelles. CRAC, BOUM, VLAN. Le véhicule continuait d'avancer, droit en direction de la côte tandis que crisse, grince, crie l'effroyable machine. Et la voiture basculait, c'était trop tard. Mut par l'énergie du désespoir, Miguel se rua sur le volant et s'y agrippa, comme il s'accrochait alors à sa vie, à ce petit fil tendu devant la lame du destin. La camionnette rebondissait de plus en plus vite sur la pente terreuse et le grand mur d'enceinte du château de Combe grossissait, grossissait encore devant ses yeux ouverts. Le choc se passa presque au ralenti : le gamin vit s'enfoncer le pare-choc bleu ciel dans les pierres bâties tandis que la ferraille poussait un dernier gémissement plaintif. Sous son ventre renversé, une flaque noire couronnée de flamme paraissait s'étendre et bientôt, dévora la voiture toute entière. Fin. Que dire de plus à présent ? Pour le rassurer ? Juana, caressa de sa main les cheveux soyeux de son fils, lequel ne retenait plus ses larmes. Au contraire, la tristesse ruisselait sur ses épaules et dégoulinait sur ses doigts tandis qu'un énorme nœud semblait se resserrer, un peu plus à chaque instant dans le creux de son ventre. Gina plaqua son visage contre le sein de sa mère. Cela ne pouvais pas être vrai ! Cela ne pouvait pas être réel ! Il y avait sans doute une erreur ! Mais le garçon avait beau regarder, aucune lumière ne daignait percer l'abîme de ses ténèbres, juste une certitude, cruelle et sans âme d'or, celle qu'il savait, qu'il avait toujours su et qu'il l'aimait encore, même après ses erreurs ! Il s'en rendait compte maintenant, quand il partait à jamais ! Il voyait pour la première fois le monde, un monde sans lui et sans beauté, un monde sans l'amour qu'il s'était caché.
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La tâche blanche
HorrorLe mal... Il réside en chacun de nous, dans nos cœurs et dans nos gestes. Il nous possède, nous contrôle complètement et ronge, plus vicieux que la nuit, nos tendres sentiments. Prenez garde, vous qui croyez au bien, qui fausser dans l'espoir d'un s...