En rentrant du labeur, Jeannette retrouva sa fille seule, accablée et pelotonnée au dernière de la porte. Ses petits poings demeuraient tant resserrés au devant de son visage que sa peau rose virait au blanc tandis que de petites tâches humides et salées parsemaient les jambes de son short bleu comme autant de petites étoiles et que son dos se soulevait encore, de temps à autre, de minuscules sanglots de chagrin. Clothilde avait pleuré. Tout d'abord surprise, puis peinée, puis inquiète, Jeanette posa son son sac au coin de l'entrée et s'accroupit lentement, face à sa fille, celle qui la déchirerait tant. Avec toute la tendresse qu'une mère peut avoir, Jeanette entoura de son bras la fillette déchue, caressa ses cheveux et déposa un baiser sur sa tempe, si léger que la petite ne le sentit sans doute même pas. Enfin, la jeune femme osa souffler à son oreille :
-Mon ange ? Qu'est-ce qui ne va pas ?
-Rien ! répondit Clothilde.
Jeanette l'embrassa de nouveau, plus fort, cette fois et d'un amour encore plus profond.
-Mais si, je le vois dans ton regard ! Tu es toute triste et tu pleure ! Que s'est-il passé ? Tu as fait une bêtise ?
Mais la petiote ne daigna répliquer, du moins, pas vraiment. Au lieu de cela, et pour la première fois de sa vie, une porte sembla s'ouvrir dans le cœur de la fillette, comme une évidence qui chantait à son âme que Dieu n'était pas mère, quelle avait une raison...
-Non, lâcha l'enfant.
-Quoi, non ?
-Non, tu ne l'as pas lu dans mes yeux, ni nulle part, d'abord ! Tu sais que j'ai pleuré car mes vêtements sont mouillés et que mon visage est tout rouge... C'est pareil pour Papy, je sais qu'il n'est pas "en voyage à l'autre bout du monde", il est mort...
Je ne sais pas ce qui déferla en premier dans le cœur de notre amie : De la peur ? De la surprise ? Ou cette immense tristesse mêlé de trahison qu'elle ne connaissait plus ? Peut être, un peu des trois, finalement.
-Tu es sortie ! s'exclama Jeanette.
Sa voie tremblait légèrement, comme si elle hésitait entre lutter et tomber. Clothilde hocha la tête, lentement, prudemment, malheureusement. Et elle tomba, pour toujours cette fois. En quelques secondes qui lui parurent des heures, la petite fille trop vite devenue grande vit tout ce qu'elle connaissait, ou qu'elle croyait connaître se muer en quelque chose de trop effrayant pour le décrire... De trop effrayant pour un enfant ! Imaginez juste, fermez les yeux, imaginez, un sourire de poussière que commence à grimacer, puis un regard, d'ordinaire si doux, si paisible qui peut de sa lueur pour s'éteindre complètement. Et ses mains, oui, ses mains se tordent et s'agrippent au premier objet, une coupe, qui est à sa portée. De sa bouche, elle hurle, non, elle mugit telle une bête :
-Tu m'as quitté ! Tu m'as menti !
Et elle l'abat, avec toute sa démence sur le torse de sa petite qui crie à la mort à présent. Et la femme recommence alors que son enfant tente en vain de s'échapper. CRAC, font ses os quand l'auge frappe une fois de trop sa côte. Il y a un peu de sang sur son bord, maintenant. Enfin la martyr réussit à s'agripper à la porte ouverte et rabat son battant sur la main de la diablesse. Celle-ci hurle de douleur devant ses doigts violets, laissant tout juste le temps à sa victime de s'échapper. C'est ainsi que ce soir là, Clothilde dormit dehors, faible, mais libre pour la première fois de sa vie.

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La tâche blanche
TerrorLe mal... Il réside en chacun de nous, dans nos cœurs et dans nos gestes. Il nous possède, nous contrôle complètement et ronge, plus vicieux que la nuit, nos tendres sentiments. Prenez garde, vous qui croyez au bien, qui fausser dans l'espoir d'un s...