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Camille contemplait médusé le cercle de feu qui se refermait sur lui. Jérôme, Kally, Maman... Tous ! Ils étaient tous là, armés de leurs piques et de leurs broches, tels les villageois furieux des mauvais films d'horreur. Ah ! le garçon en avait déjà vu des centaines de ceux-là ! Et à chaque fois, cela se finissait pareil : le bon démon banni revenait croulant sous l'or et l'argent tandis qu'eux même, viles menteurs, périssaient dans les flammes de leur orgueil trop grand. Il se devait alors d'être plus de minuit, et le froid encore rude de ce début de printemps hérissait les poils sur la nuque de l'adolescent, alors seulement recouvert du vieux pyjama de son père qu'il chérissait tant. Au contraire, la lueur des torches qui menaçaient l'inconnu semblait brûler son cœur d'un tout nouveau brasier. De la peur ? De l'espoir ? Peut être le mystère qui pesait sur la ville allait-il enfin s'estomper... Mais en le regardant bien, cet étranger face à la foule, ressemblait-il vraiment à un sorcier ? Un nez, deux yeux, une bouche et deux oreilles... Non. Le bonhomme paraissait normal. Alors pourquoi lui ? Pourquoi ce voyageur, arrêté comme de par hasard dans la petite cité ? allait-il vraiment faire une victime de plus dans cette sombre histoire ? Ou voulaient-ils juste rendre la faute à un autre, tels aux enfants qui cachent leur sottise ?

-Dehors ! scandait une femme, brandissant sur le bout de son bras blanc et potelé un couteau de boucherie, Allez, oust ! Et qu'on ne te revoie plus, Démon !

-À bas, renchérissait un autre, loin de nous ta malédiction !

Et tous huaient, plus fort que jamais. À cette instant, on n'aurait plus cru à une foule furieuse, mais plutôt à la Mort, à l'enfer lui-même qui quitterait sa terre pour empiéter au ciel. Brusquement, un mouvement, sorti comme de nulle part fit onduler la masse presque compacte de l'émeute. Les dames se bousculaient et les hommes juraient de plus bel tandis qu'au sol, un enfant seul pleurait. Acculé de toute part par de centaines de talons aveugles, Camille criait à perdre haleine. Les pieds enragés cognaient sa de poitrine la cage de diamant, éraflaient sa figure et emportaient ses béquilles en une autre contrée, celle de la bêtise et de l'humanité. C'était à peine si le jeune homme respirait tant la poussière qui s'engouffrait partout en son nez et dans le creux de sa gorge emplissait ses bonnes joues, reste de son enfance d'une saveur âcre fumée. Sans chanter gare davantage que les crocs de la chienne, un coup résonna soudain au derrière de sa tête et il retomba, inerte sur la terre.


La tâche blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant