La tâche blanche

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Et Cyril s'assit. À gauche de lui, des barreaux, ceux d'une prison, de sa prison. L'homme à ses côtés le regardait au travers, libre, plus  libre qu'il ne le serait jamais.

-Bénissez-moi mon père, parce que j'ai péché, commença le jeune homme, le souffle coupé de peur, de quelle peur ? 

"Péché", ce mot résonna dans son esprit comme un cri dans un caverne, si terrifiant, si destructeur et pourtant, si juste. 

-J'en ai trop commis mon père, continua le traître mari, mais un, le plus graves de tous.

Cyril attendit réaction, ne serait-ce qu'un signe de curiosité de cet homme penché sur sa vie d'étranger. Mais non, le curé ne remua pas d'un cil, sur sa chaire à dix lieues de là, il attendait, on ne sait qui, on ne sait quoi, de recueillir un malheur de plus. La première goutte retomba sur le sol, la première avant l'orage.

-J'ai connu l'amour mon père ! murmura le jeune homme, Je l'ai touché du doigt  et je n'ai pas su en profiter ! Je sais, cela peut vous sembler cruel, très égoïste même, de venir vous en parler alors que vous, vous en êtes privé ! 

Il pleurait à chaudes larmes désormais, de grosses goutes de tristesses dégoulinaient le long de ses joues jusqu'en la plus basse terre, là où son cœur gisait pour toujours.

-Mais j'ai tant de remords mon père ! Ma fille, ma femme, le bonheur de tous les trois... Comment ai-je pu être aussi sot pour tout balayer d'un revers de manche ? J'en voulais toujours plus : d'abord les amourettes discrètes dans un coin de ruelle, puis les baisers langoureux chez elle, le mardi soir, et enfin, des nuits entières en sa présence ! Et pendant ce temps, elle a grandi sans moi ! J'ai raté son enfance, mon père ! J'ai failli à mon rôle pour tenir la main du diable !

Il avait échoué. Ce demeurait sans aucun doute cela le pire, ce de se rendre compte, de bien réaliser que sa fille, le fruit de sa passion passée n'avait plus de son héros qu'un mensonge éhonté. Il avait échoué. Contre sa femme, contre lui même, son avenir tout entier ! Ses chers petits enfants n'entendraient jamais les prouesses du vaillant chevalier papa sur son fier destrier, mais les mœurs répugnants d'un traître, d'un monstre, d'un damné... D'un homme qui, trop vorace, n'a pas su profiter. Il avait échoué.  De la mer jusqu'au ciel, vers l'enfer châtié, il verrait pour toute sa vie ce si beau visage crier à sa raison et claquera devant son nez la porte de sa maison. Cet ange là lui manquait, plus que tout alors et il la regretterai de sa vie à sa mort. Cyril sécha ses larmes, un homme nouveau naissait, un homme conquérait qui sa fierté vengerait, il n'y  avait plus trompeur, juste un profond désir qui enflammait son cœur jusqu'au bout de ses doigts, celui de retrouver la fleur de ses émois. Ainsi il prononça entre deux, fois sanglots, les paroles du pardon et de son renouveau :

-Mon Dieu, j'ai péché contre toi et mes frères, murmura le pécheur, mais près de toi se trouve le pardon. Accueille mon repentir et donne-moi la force de vivre selon ton amour.

Alors il se releva et parti, hélas, sans un regard pour l'homme à son côté, éternellement endormi.