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Les flammes dansantes perçaient dans l'obscurité du soir telles les étoiles voilées sur les dunes de cette nuit là. Un sandwich à demi mangé dans la main, Camille fixait ces dernières avec insistance, comme s'il désirait les rejoindre. Elles étaient belle, leur pâles lueurs à peine à peine visibles qui se fondaient si parfaitement avec sa ville, là-bas, si loin et pourtant... Plus proche que jamais. Mais le jeune garçon avait beau plisser les yeux, jusqu'en pleurer, il ne parvenait toujours pas à distinguer le mat flottant de son enfance, la colline de ses jeux et tous les bons moment qui faisaient de Combebrume son plus tendre berceau. Quant à lui et bien... Il ne disait toujours mots. Assis à la droite du brasier l'inconnu ne mangeait pas et respirait peu. Le regard plongé dans la bête de l'homme et le fruit du démon, il ne semblait daigner voir autre chose que de cet enfer brûlait qui tourbillonnait follement, à un mètre de son visage. Cependant, malgré son attitude songeuse, un étrange vivacité émanait de sa personne et il demeurait de plus en plus dure à Camille de se tenir immobile devant cet être si calme et pourtant, aussi mouvant que le sable qui l'entourait. Le silence, plus pesant que jamais, acheva de courber l'échine de l'adolescent, il lui fallait bouger. D'un geste brusque, et à sa grande surprise, il se releva brutalement, bondissant sur ses deux jambe, les bras tendus au ciel comme pour l'arracher et s'avança, pas à pas vers son sauveur. Les restes de son repas tombèrent et rebondirent sur le sol. Tant pis, il n'avait pas de toute façon, sinon de bonheur et de vérité, il voulait savoir. À ses pieds, l'étranger ne semblait pas l'avoir remarqué, encore plongé en sa méditation. Mais comment dépasser ce gouffre qui les séparait ? L'insouciant Camille, du haut de ses douze pouvait-il seulement espérer remporter son attention ? D'abord, il commença de se racler la gorge, puis toussa, un peu plus fort, afin de lui faire, ne serait-ce que lever la tête. Toujours rien. Il n'est tout de même pas sourd ! pesta Caille, en son fort intérieur, Ou est-il muet ? L'impatience achevait de poindre Das le campement désert et Camille souffrait de cet ami, connu d'un seul regard qui ne daignait donner le plus petit regard. De longues minutes passèrent sous le ciel étoilé, et toujours pas le moindre petit mouvement, ni de l'un, ni de l'autre. Juste un cœur qui battait devant des braises fumantes et un désir ardent comme le fagot éteint d'où s'envolait maintenant une fumée grisâtre. Aussitôt la dernière braise éteinte, un froid mordant plongea tout droits ses crocs dans le corps de Camille. De petits frissons remontaient en rafale tout du long de son échine t je jeune garçon ne put que se tourner pour ne pas ressentir la griffure de la bise sur ses joues dénudées. Il n'était plus temps d'attendre :

-Je m'appelle Camille, articula ce dernier.

Pas de réponse.

-Et vous ?

Là encore, l'inconnu ne répondit rien.

-Pourquoi m'avez-vous sauvé ? continua l'adolescent, à grandes peines.

Cette fois, l'étranger pointa du menton en sa direction.

-Tu peux m'appeler Karl.

-Karl ?

Mais il n'obtint guère plus de réponse de sa part car, sitôt ces mots prononcés, le dénommé "Karl" ouvrit le col de son manteau, comme pour lui dévoiler son corps fin, ou pour l'inviter, loin du monde à le rejoindre. Camille hésita un instant, après tout, c'était un inconnu, ne lui devait-il méfiance ? Si, bien sûr, chaque parent, lorsque court son enfant lui répète mille fois de ne faire confiance au grands loups des bois. Mais il y avait là quelque chose, dans son regard je crois, une étincelle divine qui l'attirait doucement. Enfin, le jeune garçon se blotti dans le creux de ses bras et retrouva un instant la chaleur d'un "papa".

La tâche blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant