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Deuxième jour. Harry s'engagea dans la roulotte de bois à la suite de James et de Cyril. Ce dernier s'était présenté à son local la veille au soir, sale et frigorifié. Ses joues noircies par la terre étaient striées de ce qu'il devinait être des larmes et le bougre avait jugé préférable de ne pas trop lui poser de questions, du moins, pas avant que les deux amis fussent assis autour de la petite table d'alumine, dans sa petite cuisine désordonnée et au sol jonché de bris de verre et de canettes vides. Une bouteille à la main, Cyril avait alors raconté, tout, depuis le commencement, ce maudit jour au café où un ange du diable avait su l'emporter. Il lui avait fait part de ses regrets, de son désir encore ardent dans sa poitrine de bien fort les serrer et ne plus jamais lâcher. Et ils avaient dormis, Cyril, sur le sommier crasseux et lui, par terre, sur un matelas, comme les frères qu'ils avaient toujours été. Mais à présent, il n'en paraissait plus rien, la lumière du jour nouveau s'était tue, étouffé d'un voile rouge et les relents de gazole qui imbibaient de hors cédaient doucement place à un curieux parfum d'encens, d'épices et de toutes sortes de mélanges dont ces gens là avaient le secret.

-Pourquoi est-ce qu'on vient ici déjà ? chuchota Cyril, on va quand même pas demander à ce qu'elle nous lise l'avenir ?

Le policier secoua la tête.

-On a besoin de tous les témoignages possibles, on ne repartira pas sans les infos, dussions-nous payer pour ça !

-Ah ! Ça c'est sûr, bougonna Harry, à coup sûr elle manquera pas de nous faire payer la garce...

Puis une voix, aiguë, mais pourtant,  aussi tranchante que le fils d'une lame qui résonna, semblait il de partout à la fois.

-Pour vous, ce sera Rio, Monsieur Rio. Tenez, avancez-vous et cessez vous murmures, vous êtes en mon domaine et chaque parole ici demeure mienne.

Leur compagnon leva la tête. Qui parlait donc dans cette pièce déserte ? N'y dormait-il que les murs et les rideaux ? Ou ces pièces d'apparat dissimulaient-elle seulement la véritable beauté du monde des gitans ? Mais non, le jeune homme avait beau écarquiller bien grand, tourner son âme d'un bout à l'autre de la pièce, aucune trace de ce guerrier fantôme qui semblait les appeler.

-Là ! s'écria James, le doigt tendu vers une petite commode vermoulue, Il doit être dedans !

D'abord, les trois hommes commencèrent d'actionner les tiroirs, mais aucun d'eux ne daignait bouger, tant et tant que l'on les aurait cru fixés au panneau de bois. Dix minutes passèrent, puis vingt, trente... La chaleur perlait sur le haut de leurs front en de centaines de petites gouttes de sueur lorsque le lieutenant se laissa tomber sur le divan, découragé. Ou plutôt, il aurait dû tomber sur le divan, mais son corps ne rencontra rien de plus qu'une surface dure, au lieu des soieries moelleuses qu'ils convoitait tant.

-Aïe ! gémit aussitôt la petite bosse qu'il avait pris pour un coussin, dégage ton cul de là, étranger !

Comme frappé de la foudre, le bonhomme se releva d'un bond pour faire face à la broderie qui, légèrement retirée, laissait entrevoir le visage de l'enfant.

-Alors c'est toi, Gina ?

Une ombre de colère mêlé d'une brise d'effroi macula un instant son visage jeune tandis que ses jolis poings s'agitaient, inutilement, dans le vide.

-Monsieur Rio, j'ai dit !


La tâche blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant