Ils marchaient tous deux deux depuis une heure et déjà, le garçon n'en pouvait plus. La route, plate d'abord s'élevait désormais en pente douce, aride de terre brune et bordée ça et là de quelques genêts, frêles et mal en point tandis que le soleil, brûlant, s'élevait toujours un peu plus haut dans le ciel sans nuages. Du haut de ses béquilles, Camille soufflait à n'en plus finir, Combien de temps tiendrait-il encore ainsi ? Et son estomac qui criait sa famine dans l'opéra de sa gorge trop sèche ? Bien loin de là se trouvaient le sandwich de la veille et l'eau fraîche du matin ! Devant lui, Karl s'éloignait, paraissait-il de plus en plus, sa silhouette noire tremblait dans la chaleur du jour baignée de la sueur de son front. De minuscules points noirs valsaient devant ses yeux maintenant, vite. Dans un élan désespéré, Camille tendit sa main en sa direction, comme pour le saisir, lui, et poussa de ce geste un misérable :
-Karl..
Tout juste audibles entre ses lèvres sèches. C'est alors que l'impossible se produisit, que dis-je l'inconcevable ! Il n'aurait pas dû l'entendre, il n'aurait pas du le voir ! Il aurait dû continuer, au devant jusqu'à la nuit sans même s'apercevoir de sa lente agonie ! Oui, il aurait dû... Mais rien n'en fit, voilà qu'il tourna les talons et plongea son regard en sa basse direction. En dépit de la chaleur, l'inconnu s'élança, quel spectacle magnifique ! Son port de roi sous l'astre du vivant qui bondissait d'entre les pierres, plus habile encore que le noir chamois ! Quelle prestance incroyable ! Alors que la poussière s'infiltrait dans ses narines, cet homme-là touchait le ciel pour le changer sur ses épaules habiles et bien faites et repartait en courant, tout du long de sa route !
-Oui, quel être étrange que ce Karl ! pensa tout haut Camille, soulagé d'abord, puis gêné d'un tel affront. L'avait-il entendu ? Si il l'avait entendu, bien sûr qu'il l'avait entendu ! Comment aurait-il pu ne pas l'entendre, ce messager d'entre naissance et mort ? Car il y a sur la Terre de ces êtres contres lesquels la lutte est un crime et le silence un mensonge, ces êtres si "parfaits" qu'on en devient envieux et que l'on hait, du plus profond de notre cœur, de ne savoir égaler. Mais la voici l'erreur, invisible à nos yeux, l'invincible vérité qui fait du beau le plus laid. Je parle de quelques vices, tapis au fond des chaires qui volent au roi du monde sa couronne de lumière. L'Homme, si grand, si majestueux, mais accablé tout de sorts et de défauts hideux. Qui du diable ou de l'ange est-il plus monstrueux, quand l'un cache ses ombres derrière de grands yeux bleus ? L'Homme, l'homme parfait n'existe pas, il n'existera jamais, même pour ce prince, là-bas, marchant sous le soleil, un enfant dans les bras, dont le seul défaut est de ne pas en avoir.
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La tâche blanche
HorrorLe mal... Il réside en chacun de nous, dans nos cœurs et dans nos gestes. Il nous possède, nous contrôle complètement et ronge, plus vicieux que la nuit, nos tendres sentiments. Prenez garde, vous qui croyez au bien, qui fausser dans l'espoir d'un s...