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Ce fut tout comme un torrent de lumière lorsque l'eau claire s'écoula le long de sa gorge desséchée. Et Camille la buvait avec un tel délice ! Chaque goutte qui effleurait son palais semblait caresser ses joues, un peu plus, jusqu'emplir son être entier d'une profonde vitalité. Il n'y avait plus de soleil rouge, plus de désert autour de lui, juste un garçon paré de joie et plus vaillant encore que la fière colombe. Aucune seconde ne devait se perdre encore, un destin l'attendait sous le regard de Karl, un destin merveilleux et inconnu, un destin qu'il n'abandonnerait pour rien de moins que son âme. Alors l'adolescent se remit à marcher, mais cette fois, avec davantage de vigueur qu'en sa course passée. Au loin, les montagnes paraissaient grossir à chacun de ses pas, on aurait presque dit qu'elle venaient à ses pieds tant sa démarche filait à travers  la poussière. Camille enjamba un rocher ou deux, sauta par dessus le cours d'un ruisseau fantôme et continua seul sa démarche tout du haut de la crête. Sa jambe, elle, demeurait abandonnée dans cette morte existante, celle d'un enfant timide, de compères et d'un arbre, éternellement nu sur le Mont Salomon. Bientôt, les rares genêts déjà faiblards ne laissèrent place qu'à la Terre brune et sans cœur, à peine percée çà et là de vieux trous de serpents. Et devant lui, et bien, la Montagne. Grande, gigantesque, terrible montagne ! Géant des sables qui guette sans bruit sur se ruiner des passants qui lui restent soumis. Cruelle montagne ! Non. L'adolescent avait beau regarder, nul chemin ne barrait la surface dure et ardue. Il songea un instant à rechercher un galerie : qui sait, ce monstre abriterait sans doute bien une où deux grottes en lesquels s'engouffrer... C'est ce que tout le monde aurait fait ! Cependant, à cette simple idée, un profond et étrange sentiment envahit le garçon, un de ces sentiments dont on ne saurait décrire avec précision la véritable nature. À sa gauche, un lézard fila dans la poussière tandis que l'enfant lumière relevait la tête, il savait. Ce n'était un accident s'il était là, perdu en plein désert sous un astre brûlant, s'il souffrait, nuit et jour de cet homme trop absent. Tout cela, cette furieuse randonnée n'était qu'une épreuve ! Karl veillait sur lui, rien ne pouvait arriver, seulement de le décevoir et de vite renoncer. Alors Camille s'élança. Il agrippa la première pierre qui dépassait du mur et se hissa, tant bien que mal tout contre la surface. Une, deux, une, deux, il montait avec plus d'habilité que la blanche chevrette la paroi escarpée. Cherchant à doigts aveugles les prises et les paliers. Bientôt, il posa son pied sur une motte de terre séché par le soleil et faillit glisser sans une mains chanceuse qui le raccrocha de justesse à la paroi. Son cœur battait la chamade désormais, tel un petit tambour dans le creux de sa poitrine, il aimait ! Enfin Camille se hissa sur la dernière strate et s'effondra, exsouffle sur la roche tiède. Devant lui, un homme.

-Tu as été plus rapide que ce que je pensais, lui dit Karl, un sourire au lèvre en lui tendant la main.

La tâche blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant