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Debout depuis ce qu'il lui paraissait des heures devant la porte, Cyril hésitait, longuement, le poing en l'ai comme suspendu à quelques centimètres du bois vermoulu. Au plus profond deux son cœur, deux idées, deux géant se livraient grande lutte, l'un plein de remords, l'autre baigné de colère. Il vacillait, tantôt de devant, tantôt de derrière, entre guerre et la fuite, entre gloire et misère. Et tous ces souvenirs qui dansaient en cadence, au rythme de sa main qui suivait les fissures... Oui, c'est cela, toute sa vie semblait se refléter dans ces planches : d'abord, juste fendillée, presque lisse et invisible, puis elle s'élargissait, craquait dans les coins jusqu'à barrer entière la porte de sa fille... Mais au même moment, Cassandra submergea ses pensées, si belle, si rayonnante au travers de son péché ! Elle s'avança, caressa doucement, sensuellement sa joue et joua de son index sur les rides de sa peau. Elle demeurait si belle, même dans la mort ! Il voulait la rejoindre, quand retentit au loin l'ultime des appels, le cri d'une petite fille qui tombe et se relève pour courir de vers lui. Ses genoux sont rouges, égratignés et à ses yeux, de petites larmes se retiennent de couler. Cyril la reconnaît, c'est sa fille, la seule, la chaire de sa chaire par la chaire du monde. Comment avait-il pu l'oublier ? Et pourtant, il l'avait tant aimé depuis le premier jour, lorsque sa manette rose et chiffonnée avait tenu son doigt pour ne plus le lâcher... Soudain il se tourna et scruta la phénix et son regard de cendre, et son plumage de feu. Une dernière fois, presque pour l'en chasser, il passa son supplice sur son fin décollé et se visage d'ange venu pour la tromper. Soudain, sa fille l'attira, il la suivit et le traître galant se retrouva à nez des passion, de sa douleur, de celle qui devait lui pardonner.

-Cyril... soupira la jeune femme, toujours plus maigre et ruisselante que dans sa triste mémoire.

-Jeannette je...

-Tais-toi ! Je ne veux pas t'entendre dire un mot ! Tu es venu pour la voir, n'est-ce pas ?

Bien sûr.

-Non, répondit pourtant Cyril, je ne viens pas pour elle, mais pour toi.

Une lueur, mi de malice, et mi de haine traversa un instant le visage de son épouse, je parle de cette haine froide, impitoyable et destructrice, celle qui fait du pécheur le plus tendre martyr.

-Et ? Comment va Cassandra ?

Il secoua la tête.

-Et toi, comment tu vas ?

La jeune femme se renfrogna encore davantage, si bien que le traître crut un instant en une flamme d'espoir, tombée du cygne braise qui viendrait là sauver leur amour consumé. Ainsi, Cyril passa son bras autour de sa victime, mais celle-ci l'en bannit aussitôt.

-Jean, je te connais, j'ai vécu dix ans avec toi, je sais ce que veulent dire le moindre de tes gestes, de tes manies au saut du lit... Et je comprends que tu m'en veuilles... Je ne me le pardonnerait sans doute jamais moi-même ! Mais il faut que tu saches, quand bien l'un de nous serait amené à mourrir que je regrette profondément tout le mal que j'ai fait à votre famille...

-Va t'en Cyril.. gronda Jeanette.

-Une dernière chose... plaida ce dernier, ce n'était pas tout à fait vrai, ce que je t'ai dit tout à l'heure... Je veux voire ma Clothilde, je t'en supplie, juste une minute !

Le teint de celle qu'il aimait toujours se teinta de gris, tel à ce sentiment qui commençait de l'envahir. Enfin elle releva la tête et une grande détresse parut l'envahir toute entière.

-Non Cyril, souffla la jeune femme d'une voix brisée, elle est partie.

À ces mots, le monde s'effondra pour de vrai dans le cœur du trompeur et le traître homme comprit que cette fois il avait vraiment tout perdu.


La tâche blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant