Il y eut quatre autres morts dans la nuit du vingt-huit au vingt-neuf mars et les habitants de Combebrume commençaient à croire que, peut être, il y avait un problème quelque part. Cette curieuse inquiétude s'était d'ailleurs manifestée pour la première fois ce matin, alors que la Jeannette remplissait, comme à son habitude son panier de courses de pâtes, de conserves et tant d'autre aliment, ni très bons, ni très durs à cuisiner, mais qui, faute de grandes saveurs, remplissaient bien volontiers son ventre vide et son cœur, de joie. Ce rayonnage-ci demeurait d'ailleurs presque vide, comme si une immense troupe humaine, immortelle et affamée s'était ruée à l'aube sur l'étagère de fer pour l'en dépouiller de ses douces affaires. Ce fut à peine si la jeune femme parvînt à attraper la dernière des boîtes qui semblait leur avoir échappé, juste pour elle aurait-on dit. D'abord étonnée de ce soudain ravage, Jeannette ne tarda guère à remarquer que le monde tout entier paraissait avoir quitté le marché, juste quelques femmes, ou hommes, ou enfants, affaissés par la peur et d'un danger plus grand. Leurs petits mouvements craintifs défilaient à toute vitesse de l'étal au cabas tandis qu'une tension palpable montait tout autour d'eux. Non, cela ne demeurait pas normal, un drame s'était produit, elle le sentait ou pire, voilà donc qu'elle en était persuadée ! Vite, elle fourra les dernières marchandises qui passaient sous sa main, un bocal de cornichons, un paquets de chips et quelques saucisses avant de se diriger, en courant presque aux comptoirs de l'entrée. Là-bas, une pression inhabituelle régnait, comme partout dans le magasin et la jeune femme ne put s'empêcher de remarquer les pleins chariots de javelle, de conserves ou de papier toilette que promenaient encore les derniers clients. Que se passait-il ? Le cœur de Jeannette battait si fort dans le creux de sa poitrine... Soudain, cette dernière n'y tînt plus, au contraire, elle se rua de ses forces au devant de la foule, malgré les plaintes et les injures qui s'élevaient petit à petit autour d'elle afin de tenir tête à cette affreuse mégère qui la toisait chaque courses, sans même lui dire "Bonjour".
-Si voulez passer, il faudra attendre votre tour, ma petite dame, cracha cette dernière.
Mais elle n'en fit rien.
-Qu'est-il arrivé ? la questionna Jeannette, Pourquoi les gens ont-ils si peur ?
Derrière elle, des murmures, tels autant de petits serpents qui s'élevaient de la gente froissée.
-S'il vous plaît ! insista la jeune femme, plus doucement cette fois, dites-moi ce qui les affole !
La commerçante plissa les yeux, les réduisant à deux fentes minuscules pour finalement indiquer le kiosque à journaux, de l'autre côté de la rue.
-Ça fera un herma cinquante. Aller, filez maintenant et que je ne vous revoie plus !
Obéissante, Jeannette remercia, trop poliment sans doute, la marchande, abandonna ses achats et sortit en courant déposer les deux pièces noires sous le nez du pauvre homme qui lui tendit ce qu'elle voulait tant voir.

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La tâche blanche
HorreurLe mal... Il réside en chacun de nous, dans nos cœurs et dans nos gestes. Il nous possède, nous contrôle complètement et ronge, plus vicieux que la nuit, nos tendres sentiments. Prenez garde, vous qui croyez au bien, qui fausser dans l'espoir d'un s...