54

3 1 0
                                        

La petite barre sombre qui clignotait toujours derrière ces quelques mots achèverait bientôt d'ôter toute raison à l'homme qui la fixait. Noir, blanc, noir... Cela n'avançait plus ! Rien ! Harry n'avait rien su trouver de ce mal mystérieux qui, par une blanche tâche tuait tristes et joyeux. Ou plutôt si ! Il trouvait trop de choses, beaucoup trop de choses, un océan grisâtre de savoir sans âme  : du gribouillage à l'albinisme ; mais pas un seul ne comblait son désir. Suicide ? Disgrâce ? Maladie ? Ah ! Elle riait aux éclats, cette phrasette bagarreuse, qui d'une soudaine envie de souffrance et d'infortune, refusait son savoir au démon des quartiers. Noir, blanc, noir... 

-Ah ! Foutue machine ! pestait le bougre, de temps à autre, tandis qu'il retapait, inlassablement, de nouveaux mots sur le clavier de l'ordinateur de James, mais en vain. Harry finit par refermer le pc, un ancien modèle, "plus bon à rien", disait-il.

Et il continuait de chercher, mieux, cette fois et par davantage de hargne, épluchant chaque coupure journale, chaque livre sur son bureau qu'il ne devait plus rendre. Blanc... Tâche... Neige... Lumière... Les mots défilaient devant ses yeux de seconde en seconde, de plus en plus vite... Mort... Fléau... Enfer... Paradis... Blanche... Lumière... Lumière blanche ! Harry referma son ouvrage sur ces quelques syllabes, rien de bien certain, tout juste un fol espoir. Et pourtant, à l'instant même où le trait vitreux de son regard avait frôlé l'encre de ces lignes, un sentiment étrange l'avait enveloppé tel le voile de la nuit. Pas une flamme, non, cela semblait bien trop profond ; plutôt une certitude comme surgie des limbes humaines qui dormait jusqu'alors en les tréfonds d'une parole, de sa parole, celle qu'il tenait bien serrée entre ses mains moites de sueur et d'excitation. "La sainte Bible", s'inscrivait en lettre d'or sur sa couverture de cuir avec tant d'ardeur que l'on aurait cru comme lui à un message, mieux, une bénédiction de son seigneur pour briser ce massacre. Il y croyait, il voulait y croire.

La tâche blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant