C'est ainsi qu'ils se retrouvèrent, Cyril, Harry et le lieutenant James, assis l'un à côté des autres dans la caravane et devant eux et bien, un enfant, Monseigneur Rio, comme il voulait qu'on l'appelle. Le gamin de devait porter guère plus de douze ans, mais déjà, les blessures et les marques parsemaient son regard. Joies, tragédies... Elles étaient toutes là, bien cachées parmi les ombres de ses cheveux noirs tandis on corps, agile et bien fait tendait à l'extrême les tissus colorés de ses vieux vêtements, bien cela n'étouffât en nulle manière la majesté de son être qui rayonnait autour de lui comme une espèce d'aura non pas divine, mais royale, oui c'était cela, le mot, Gina Rodrigo avait en son port quelque chose de royal. D'abord, tous se tinrent silencieux, c'était normal, allez-vous donc annoncer, un matin de printemps, le décès de son père au garçons de douze ans ? Non, assurément, de ce crime qui n'a d'humain que la face perfide qui remuait de la nouvelle ses lèvre fines. Il leur fallait du tact. Mais comment ? Pourquoi hésitaient-ils tant ? Il n'y avait devant eux qu'un enfant ! Et pourtant, pourtant après plusieurs minutes dece sacré silence, trois minutes d'angoisse, de questions infinies, aucun des trois amis ne prononçait un mot. Le spectacle était effarant, on se serait alors cru dans ces mauvais romans, copiés et recopiés par des milliards de mains où le temps s'était arrêté, soudainement. Finalement, Cyril envoya, le plus discrètement du monde, un petit coup de genoux dans la cuisse du bonhomme à son côté, comme pour le pousser à dire quelque chose, n'importe quoi.
-Euh...
-Je sais, le coupa le gitan, mon père et mort, Et ?
-Toutes nos condoléances, petit... commença le jeune homme, doucement.
Un éclair de pitié traversa un instant le visage de Gina.
-Pff... Arrêter votre cinéma ! Qu'est-ce que vous voulez ?
-Tout, Gina, répondit le bougre absolument tout ! Où il allait, d'où il venait et surtout, ce qu'il faisait !
-Pourquoi vous voulez savoir tout ça ? cracha le garçon, En quoi ça peut vous intéresser une ordure pareille ?
Seule la rage semblait alors s'exprimer en le cœur de l'adolescent, ses yeux autrefois si peu et si paisibles ne brûlaient plus que d'un feu : celui de la rancœur et surtout, de celui du chagrin.
-Écoute Rio, obtempéra James, je sais que tu es triste, on l'est tous pour toi ! Mais on a besoin de ces infos !
-Non, non et non je parlerai pas ! répondit le petit, plus borné que jamais.
-Et si je te donnais une petite compensation en change ? Hum ? Disons... Dix Herma !
Gina releva subitement subitement la tête, le policier avait visiblement touché une corde sensible.
-Vingt !
-Quinze, concéda l'homme de l'ordre, tu marches ?
-Je marche !
Le brave n'eut guère le temps de déposer la petite somme sur la table vernie que déjà le gamin s'en emparait afin d'en faire jouer les pièces dans le creux de sa paume. Les compères laissèrent à l'enfant quelques secondes pour contempler son trésor, puis, lorsque le temps eut paru suffisant et Cyril réclama à nouveau son attention. Le gitan, a grands regrets, détourna ses prunelles noires telles le charbon de son cher sésame pour enfin les replonger dans celles de nos amis. Enfin il se mit à réciter, très vite, comme une leçon apprise par cœur, un véritable flot de paroles presque incompréhensibles, mais terriblement vraies :
-Il était en route pour la ville avec le chargement de bois qu'il devait apporter au chantier.
-Il y avait quelqu'un avec lui ? s'enquit Harry.
-Oui, son meilleur ami Miguel, il est mort lorsque la voiture a versé.
-Mais ton père... continua Cyril, tu sais ce qu'il l'a tué ? Avait-il des problèmes de santé ?
Monsieur Rio réprima d'un air moqueur :
-Lui ? Mon père ? Des problèmes de santé ? La seule chose qui aurait pu le tuer, c'aurait été une flèche divine ! Il chopait même pas un rhume !
-Bien... Merci gamin, t'as été super ! s'exclama James, Mais... Dis-moi une dernière chose... sans rapport avec l'enquête, bien évidemment ! Cela restera entre nous ! Tu ne pas l'air bien triste de sa mort, tu ne l'aimais pas, ton père ?
Un instant, le lion rugissant céda place au minuscule moineau tandis qu'un voile de tristesse effleurait son regard. Mais celui-ci se trouva bien vite chassé par la flamme intarissable qu'il lui connaissaient et le gamin poursuivit :
-Si ! Bien sûr que si ! C'était mon père quand même ! Mais... J'aimait quand même moins ses crise de colères et ça arrivait de plus en plus, ces derniers temps...
-Qu'est-ce qu'il faisait ? l'interrogea encore une fois le policier, incertain de vouloir connaître la réponse.
Et cette colère, celle-la même qui animait le portrait du défunt, quelques secondes à peine plus tôt, cette rage s'empara du jeune garçon. Son corps entier paraissait trembler sous le déluge qui striait alors ses joues et sa voix, devenue éraillée jaillissait de sa gorge en de stridents cris de haine :
-C'est pourtant pas évident ? explosa le gitan, vous êtes donc si cons que ça ? Vous croyez qu'elles vienne d'où ? Hein ? Toutes ces marques sur les murs et sur mes membres ? Vous pensez que je me suis fait ça tout seul ? Pour me faire plaisir ?
-On est désolé petit... lui souffla le lieutenant.
Il posa sa main fraîche sur son bras maigrelet, mais le gamin la repoussa avec violence.
-Non ! hurla t-il encore, ne me touchez pas ! Au fond, je sais ce que vous êtes ! Vous vous en foutez complètement que mon père soit mort, tout ce que vous voulez, c'est des infos pourries pour votre enquête à la con !
-Non Gina, lui assura James, plus doucement que jamais, je te jure que c'est faux !
-Et ne m'appelez pas Gina, cria de plus bel l'adolescent, je suis Monsieur Rio et vous allez dégager de chez moi ! Allez ! Tout le monde dehors !
L'enfant ne pleurait plus à présent, mais les dernières larmes, celles qui font le plus mal, perlaient encore à l'angle de ses yeux rougis. Face à ce démon, le monstre qui hante chaque jeune cœur meurtri, aucun des hommes ne voulait plus rien dire. Non, c'était inutile. Aussi se laissèrent t-il pousser dehors par deux bras en colère, qui refermèrent bien vite la porte sur un monde de mystères et sur un porte-monnaie, perdu, parmi leurs terres.
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La tâche blanche
HororLe mal... Il réside en chacun de nous, dans nos cœurs et dans nos gestes. Il nous possède, nous contrôle complètement et ronge, plus vicieux que la nuit, nos tendres sentiments. Prenez garde, vous qui croyez au bien, qui fausser dans l'espoir d'un s...