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« For the love of a daughter » 

On marche tous les trois dans les petites rues d'Entre-Deux à la recherche d'un bon restaurant pour ce soir quand Adam s'arrête devant un établissement discret, nous incitant à rentrer. Je le fais en premier suivi par mon père mais je vois qu'Adam reste à l'extérieur. Je fronce un peu les sourcils, lui indiquant qu'il pouvait entrer à son tour. Tu ne vas pas dîner dehors tout de même Adam

- Je pense qu'il est temps pour vous deux de vous retrouver et de passer une soirée en tête-à-tête pour vous dire clairement les choses. Vous n'avez pas eu l'occasion de discuter rien que vous deux sans m'avoir dans les parages m'explique Adam. Ton père a des choses à te dire Celly comme tu as des choses à lui dire. Souviens-toi de notre conversation ce matin. Et le faire en dehors de la maison était nécessaire pour que vous puissiez parler tous les deux. Je vais rentrer et m'occuper de Naya pendant que vous discutez. Prenez tout votre temps et Celly ... ne te braque pas s'il te plaît. Je fais ça pour ton bien. 

J'acquiesce d'un signe de la tête alors que mon père remercie Adam. Ce n'est clairement pas comme ça que j'imaginais cette soirée. Adam me vole un baiser avant de s'éloigner pour rentrer à la maison alors que je rentre avec mon père dans ce fameux restaurant où j'allais devoir me livrer comme je ne m'étais encore jamais livrée à lui depuis ma descente aux enfers. Mon dieu ce que ça me fait peur. Nous nous installons à une petite table en retrait, prenant rapidement une boisson alcoolisée. Un silence lourd règne alors que je sirote une gorgée de mon Mojito. C'est pesant comme ambiance

- Quelles sont les choses que tu voulais me dire ? demandais-je soudainement, rompant ce silence.

- Allons y doucement d'accord ? fit mon père en me regardant attentivement alors que je soupire discrètement, ne voulant pas tarder sur cette discussion qui risquerait de tourner en larmes. Je sais que tu n'aimes pas te dévoiler Celly mais ... je pense qu'il faut vraiment qu'on mette les choses au clair. Adam m'a beaucoup parlé de toi et je sais que tu as des choses que tu gardes au plus profond de toi depuis des années.

- Il y a un tas de choses en effet ... mais je ne sais pas par où commencer.

- Pour ce qu'il s'est passé quand tu étais au collège, je te le répète à nouveau. Je suis désolé de ne pas avoir pris mon rôle de père à ce moment-là et d'avoir été absent. Mais d'après tes dires, ce n'est pas à moi que tu en voulais mais à ta mère.

- Je n'ai jamais pu t'en vouloir de ne pas avoir été là durant cette période parce que tu venais de perdre ta mère et que c'était normal que tu sois si absent. Maman avait expliqué à mon premier psychologue qu'avec la mort de mamie, j'avais perdu toute confiance en moi et que je n'étais plus du tout la jeune fille que j'étais auparavant. Et que quand je commençais à beaucoup sécher les cours et que tu me poussais violemment à aller en cours, maman t'expliquait que j'avais du mal à me remettre du décès de mamie et que tu ne réagissais pas ... parce que tu n'avais pas encore fait ton deuil je présume. Je ne pouvais pas t'en vouloir de ne pas agir alors que toi-même tu n'étais pas toi-même ... et tu n'es pas redevenu le père que j'ai connu.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

- Ça a commencé bien avant la mort de mamie ... peut être quand j'avais huit-neuf ans voire un peu moins. Tu commençais à devenir aigri, à crier pour un rien et à t'énerver contre tout et n'importe quoi. Je me souviens très bien du jour où maman avait fondu en larmes en plein repas avant de partir pleurer dans sa chambre parce que tu lui faisais encore des remarques désagréables à propos de ton envie de déménager entre autres. Et ça a continué pendant des années. Tous les jours, tu parlais de vouloir mourir parce que tu vivais dans un taudis ou que tu mourrais en étant alcoolique ou en attrapant la première maladie qui passe, tu disais que te marier était la plus grosse erreur de ta vie, tu as retiré ton alliance des années avant ton divorce en disant ne pas être marié même devant les parents de maman, tu as même dit que tu n'as jamais eu de chance dans ta vie, que ta vie était fichue et que tu n'as jamais fait rien de bien. Je me souviens aussi du jour où maman t'a demandé si le plat était parfaitement assaisonné et que tu as commencé à lui faire un monologue en lui disant que c'était une femme aigrie, méchante et qu'elle était comme sa mère. Je me souviens aussi du jour où tu as dit que tu n'aurais jamais dû te marier et qu'avoir des enfants était ta plus grosse erreur. Je me souviens aussi du nombre de fois où tu t'es énervé sur moi parce que je ne conduisais pas étant donné que j'étais stressée au volant et que je n'arrivais pas à conduire à Paris. Quand j'étais petite, jusqu'à sept-huit ans, tu n'as jamais parlé de mourir, de dire des horreurs à maman ou de t'énerver contre tout et n'importe quoi. C'est quand tu as commencé à devenir aigri et méchant que je ne t'ai plus du tout reconnu papa. Et bien sûr, tout cela n'a fait qu'empirer à la mort de mamie. Les jours où tu n'as pas été aigri depuis huit ans je peux les compter sur les doigts de la main. C'est dire s'ils sont rares. 

Ne nous détruis pas (with Adam Driver) (Tome II) (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant