Décision, scénario alternatif :
Lundi 21 Mars 1988 :
Cela faisait maintenant plus d’une semaine que je vivais avec l’impression permanente d’avoir été occultée d’une portion de ma mémoire sans parvenir à situer un contexte ou formuler une quelconque raison qui en serait à l’origine. Si j’avais certifié au professeur Rogue que j’allais découvrir la vérité, je n’étais désormais plus si sûre de mon affirmation, alors que les jours passaient et que je n’avais trouvé aucune explication pouvant expliquer rationnellement ce qui m’était arrivé.La seule chose que j’avais découverte était que, contrairement à ce que m’avait assuré Rogue, je n’avais jamais mis les pieds à l’infirmerie et Pompom n’avait pas eu vent d’un quelconque « état » me concernant et nécessitant l’intervention d’un breuvage concocté par le Maître des Potions. Après l’avoir interrogée, j’avais esquivé les froncements de sourcil de l’infirmière et m’étais éclipsée dans mes appartements, désormais certaine que Severus m’avait menti pour une raison qui m’échappait encore.
La semaine qui suivit, je passai mon temps libre à discuter avec mes collègues, tentant de diriger subrepticement les conversations vers de potentiels évènements qui auraient eu lieu le jeudi et le vendredi précédents mais tous semblaient s’accorder à considérer ces journées comme les plus banales au monde. Ne pouvant me résoudre à leur expliquer ce qui me tracassait, je gardai mes questionnements pour moi et m’enfermai dans une spirale infernale.
Plus les jours passaient, plus je me sentais idiote d’avoir automatiquement accusé le professeur Rogue d’être au courant (et responsable ?) de ce qui m’était arrivé. J’étais partagée entre la certitude qu’il était lié d’une certaine façon à ma perte de mémoire ; et la honte de l’avoir ouvertement défié alors que je n’avais strictement aucun élément tangible qui le reliait à ma « situation ». Rien, dans son comportement, ne laissait suggérer que notre dernière conversation l’avait ne serait-ce qu’intrigué. Il passait son temps à m’éviter scrupuleusement, ce qui ne changeait pas de d’habitude, et à se montrer antipathique et distant, ce qui là encore, n’avait rien d’exceptionnel. Je n’osai pas l’approcher, à la fois lasse de faire des efforts sans que cela ne soit réciproque et gênée par cette idée de l’avoir peut-être accusé à tort… Pourtant, il y avait cette petite voix en moi qui me sommait d’aller l’interroger encore, de lui forcer la main en espérant qu’il se trahisse.
Ma situation m’obsédait et, paradoxalement, plus le temps passait, plus elle me paraissait si irréaliste que je finis par me demander si la fatigue ne m’avait pas joué des tours. Comment avais-je pu perdre la mémoire deux jours consécutifs alors que personne ne semblait avoir rien remarqué d’anormal - ni me concernant, ni concernant aucun événement qui avait pu se dérouler à Poudlard ou ses alentours ? Tout le monde me savait au château à ces instants précis, qu’avais-je donc pu faire ? Mon esprit tourmenté n'avait de cesse d’élaborer des scénarios les plus saugrenus afin d’expliquer ma perte de mémoire, le plus crédible étant encore que j’eusse abusé d’une quelconque boisson alcoolisée, pour une quelconque raison et dans un quelconque endroit… il y avait encore beaucoup trop de paramètres inconnus pour satisfaire mon cerveau. Et, de plus, cela n’expliquait en rien pourquoi ce « black-out » - de quelque nature qu’il fusse - impliquait la soirée du jeudi ET l’après-midi du vendredi suivant. Non décidément, ça ne pouvait être que la fatigue, et rien d’autre.
Samedi 07 Mai 1988 :
En ce début de week-end particulièrement ensoleillé, je m'étais accordée une pause bien méritée dans mes préparations de cours (qui s'axaient de plus en plus sur la préparation des examens qui allaient se dérouler en fin d'année et dont la mise au point s’avérait être un véritable challenge - notamment pour mes classes de cinquième et septième année dont l’enjeu était de taille). Sur invitation du garde- chasse, j’avais traversé la petite butte qui isolait le château de la Forêt Interdite pour me rendre jusqu’à sa cabane en début d’après-midi. Rubeus m’accueillit avec bonhomie et il m’offrit avec enthousiasme une tasse de thé et des biscuits que je n’osai de refuser - bien que je les susse plutôt mauvais. Nous discutâmes longtemps de tout et de rien puis, alors que le soleil commençait à perdre de l'altitude, je me décidai à rejoindre mes appartements, où des copies m'attendaient patiemment. Hagrid me conduisit jusqu'à sa porte et me remercia d’être venue. Je lui adressai un sourire sincère.
« -Avec plaisir, Rubeus ! Encore merci pour le thé et les… »
Un raffut soudain provenant de l’orée de la forêt parvint à mes oreilles et je tournai automatiquement la tête dans sa direction. J’entendis distinctement un martèlement sourd qui faisait vibrer le sol et des bruissements précipités de buissons traversés avec empressement. Hagrid ne sembla pas inquiet.
« -C’doit être les centaures, ils sont très nerveux cette année... ils passent leur temps à patrouiller la forêt. Bah, ça leur passera ! »
Je fus sur le point de lui demander ce qui les inquiétait autant quand une scène que mon esprit semblait avoir, pour une quelconque raison, occulté de ma mémoire se joua brièvement devant mes yeux. La voix de Firenze résonna clairement entre mes tympans. « Faites attention à qui vous côtoyez dans ces lieux, jeune demoiselle. Quand la tempête semblera se calmer, ce ne sera que le signe d’un funeste avenir… la Forêt Interdite n’a jamais portée aussi bien son nom. Après tout, elle n’est que la frontière entre le bien et le mal… ».
« -Hum, Elladora, est-ce que tout va bien ? C’est qu’vous semblez bien pâle. »
Je me tournai vers mon ami, feignant d’être parfaitement calme.
« -Oui, oui, tout va bien. Merci pour tout, Rubeus. »
Sans plus attendre, je remontai d’un pas mécanique la petite pente qui me reconduisait vers le château, l’esprit focalisé sur la conversation que j’avais eu avec le centaure il y avait de longs mois auparavant. Pourquoi ce souvenir semblait avoir surgi des abîmes de ma mémoire alors même que je n’y avais pas songé depuis… depuis combien de temps ? Et, plus alarmant encore, pourquoi est-ce que tous mes doutes concernant la perte de mémoire que j’avais expérimentée en mars avaient refait surface en même temps ?
Je me hâtai de rejoindre mes appartements et m’y enfermai sans me préoccuper de mes copies. A la place, je me fis couler un bain chaud et parfumé et plongeai dedans dans l’espoir qu’en apaisant mon corps, mon esprit allait enfin me livrer ses secrets.

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The Dove & The Crow [Harry Potter]
Fanfiction"On m'a dit de vous prévenir que le seul moyen de vaincre sera d'unir le corbeau et la colombe." ••• Deux sorciers talentueux, à la fois si semblables et opposés. Deux destins liés, pour le meilleur comme pour le pire. Deux magies entremêlées, dont...