Jeudi 10 Mars 1988 :
Les pas des deux Mangemorts résonnèrent un instant dans la Forêt Interdite, avant de laisser place à un silence total, seulement entrecoupé par le sifflement du vent qui s'était levé dans les hauts feuillages des arbres. Toujours retenue prisonnière contre le tronc d'arbre, je m'étais immobilisée et n'osai pas esquisser le moindre mouvement, pétrifiée de peur. Qu'allait-il se passer maintenant ?
Severus avait les yeux rivés sur l'endroit où avaient disparu ses deux acolytes puis, après un moment qui me parut durer des heures, il tourna lentement ses yeux sur moi. Nos regards se croisèrent. Le sien était froid, noir, rendu inhumain par la pénombre terrifiante qui régnait sur place. Le mien était vascillant de larmes. Je battis plusieurs fois des paupières pour chasser mes traces de faiblesse. À défaut de pouvoir soutenir son regard puissant, j'observai son visage, partagée entre la peur et un autre sentiment non identifiable. Les lignes de sa machoire laissaient clairement suggérer qu'il était tendu, ses lèvres étaient réduites à une fente maussade. La cicatrice qui barrait une partie de son visage était plus visible que jamais, ressortant sur sa peau presque translucide. Son teint cireux et les larges cernes sous ses yeux laissaient penser qu'il était malade. Pourtant, son regard était vif et son corps tendu, prêt à attaquer. Drôle de paradoxe.
Je commençai à m'impatienter, non pas que j'avais envie de mourir. Mais qu'attendait-il pour m'achever ? Ses yeux ne m'avaient pas lâchée une seule seconde et son regard devenait étouffant et frustrant, car je ne parvenais pas à y déceler quoi que ce soit. Il était comme en transe. J'entrepris de gigoter sous mes liens, histoire de lui montrer que j'étais encore en vie. Cela sembla le faire sortir de sa torpeur puisque, d'un geste soudain, il brandit sa baguette sur moi. Je me raidis. Un éclair jaillit de sa baguette mais il n'était pas vert, et les cordes qui m'enserraient disparurent aussitôt. Les muscles ankylosés, je perdis l'équilibre et tombai sur le sol, à bout de force. Je ne pris même pas la peine de me relever, me contentant d'humer l'odeur de la terre humide. Une main se resserra sur l'un des plis de ma robe et me força à me relever. Je me laissai faire, l'envie de me battre m'ayant quitté depuis longtemps. De toute façon, je n'avais pas ma baguette. Je me retrouvai nez-à-nez avec Severus qui me poussa brusquement loin de lui. Je faillis de nouveau perdre l'équilibre mais me rattrapai de justesse au tronc auquel j'étais restée collée pendant un certain temps, que je ne parvenais pas à évaluer. Mon corps me faisait mal mais il était bien le cadet de mes soucis à cet instant. Le silence qui planait dans la Forêt ne faisait qu'accentuer mon malaise et rien ne semblait pouvoir le briser. Quand soudain...
«-Partez. Quittez le pays et ne revenez jamais.»
Je mis une bonne minute à assimiler les informations. La voix de Severus paraissait lasse, sans réelle émotion, froide. Il avait prononcé ces phrases comme il le faisait avec n'importe quelles autres banalités : d'un ton traînant, comme un comédien lassé de son rôle. Il fit un geste vers ses robes et en sortit ma baguette qu'il me tendit, pour illustrer ses propos. Je ne comprenais rien. Pourquoi me laissait-il partir ? Quelles étaient les raisons de ce brusque retournement de situation ? Pourtant, il n'avait pas hésité à me désarmer et m'attacher à un arbre, il y avait à peine dix minutes... Quand je sortis enfin de mon mutisme, ce fut pour bredouiller, d'une voix rauque et faible, loin de celle que j'aurais voulu employer pour exprimer mon incompréhension quant à la situation actuelle :
«-Q... quoi ? Mais, je...
-Faîtes ce que je vous dis ! trancha-t-il sèchement en faisant un signe insistant de la main dans laquelle se tenait ma baguette.»
Je m'en emparai prudemment, d'un geste tremblant, en lançant à l'homme un regard perdu. Ce retournement de situation me donnait mal à la tête et je n'avais pas besoin d'une douleur en plus pour prendre conscience de mon propre corps.
VOUS LISEZ
The Dove & The Crow [Harry Potter]
Hayran Kurgu"On m'a dit de vous prévenir que le seul moyen de vaincre sera d'unir le corbeau et la colombe." ••• Deux sorciers talentueux, à la fois si semblables et opposés. Deux destins liés, pour le meilleur comme pour le pire. Deux magies entremêlées, dont...