Chapitre 29 - Maître et esclave

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Mercredi 2 Juillet 1997 :

Je restai une dizaine de minutes assise sur le sol froid de la salle de bain sans bouger - peut-être plus. Quand mes membres commencèrent à s'engourdir à cause de mon immobilité prolongée, je me levai, fis quelques pas titubants avant de réussir à trouver un certain équilibre puis quittai la pièce. J'errai un instant dans le couloir, avant de me diriger instinctivement en direction de la chambre de Severus. La porte était entrouverte, assez pour que je puisse apercevoir la silhouette du sorcier, assis sur le bord de son lit, la tête dans ses mains et les épaules basses. Il paraissait si vulnérable à ce moment qu'il m'était difficile de garder les yeux rivés sur lui sans ressentir une boule se former dans ma gorge. Que s'était-il passer en mon absence pour qu'un homme aussi fort que lui en ressorte aussi brisé ?

Après plusieurs minutes passées à le regarder, je me décidai d'entrer dans la pièce. S'il avait entendu la porte grincer ou mes pas sur le parquet, il ne bougea pas - même lorsque je m'assis à ses côtés, nos jambes se frôlant presque. Les secondes s'écoulèrent sans qu'aucun de nous ne vienne briser le silence. Alors, lentement, j'attirai son bras droit près de moi et relevai sa manche. La même marque rougeâtre que celle gravée sur mon propre membre était visible, contrastant avec la paleur naturelle de sa peau. Je l'effleurai du bout des doigts, ce qui eut pour effet de faire frissonner Severus. Je dénudai mon avant-bras droit et le collai contre celui du sorcier, nos deux marques parfaitement identiques l'une contre l'autre. Au moment où nos peaux se touchèrent, une vive lumière émana de nos deux plaies - une lumière irréelle, sombre. Surprise, je retirai aussitôt mon bras et m'écartai de Severus, tandis que celui-ci tourna la tête dans ma direction.

«-Qu'est-ce que c'était ? demandai-je d'une voix enrouée, encore marquée par mes récents sanglots. Je veux dire... tout ça ? Ça ?»

Je désignai ma marque ainsi que la sienne - toutes deux étaient revenues à la normal dès lors que le contacte fut rompu. Severus ne répondit pas tout de suite, comme s'il cherchait les bons mots pour m'expliquer la situation. Finalement, il commença, d'une voix légèrement écorchée :

«-Le rituel auquel tu as pris part est une pratique très ancienne... et surtout très noire.»

Il marqua une pause. Le moindre mot qu'il prononçait semblait lui coûter un effort surhumain. Un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale à l'entente de ses premières explications qui n'annonçaient rien de bon.

«-En fait, elle n'est plus utilisée depuis la fondation du Ministère de la Magie qui l'a banni en la rendant illégale, au regard de ce qu'elle impliquait. Évidemment, le Seigneur des Ténèbres n'a que faire d'outrepasser les lois.»

A aucun moment, son regard osa affronter le mien, il était braqué sur ses jambes, alors que le mien était posé sur lui.

«-Elle consiste en la création d'un lien magique entre deux personnes - un lien où s'établit un rapport de dominant-dominé entre elles. Le principe repose sur le même que le Serment Inviolable : les deux personnes ont recours à un enchaîneur qui se charge de lancer les sortilèges. Ensuite, comme tu l'as vu, le sorcier qui aspire à devenir le «maître» doit entailler son avant-bras et celui de son futur «esclave» puis ils échangent leur sang. Par cet acte, les deux sorciers sont liés à jamais.»

Il se tut et mon cerveau mit un long moment avant d'assimiler toutes ces informations. En fait, elles avaient apporté plus de questions que de réponses et j'avais du mal à faire le tri. Je posai la première qui me vint en tête, même si je redoutais la réponse :

«-Tu as dit que ce rituel était devenu illégal «au regard de ce qu'il impliquait». Qu'est-ce que ça veut dire ?»

Severus releva la tête, ferma un instant les yeux, comme pour chasser ses propres craintes, puis dit :

The Dove & The Crow [Harry Potter]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant