Chapitre 49 - À feu et à sang

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Samedi 2 Mai 1998 :

Je n'eus pas même la force de pleurer. Mes yeux restèrent secs, tandis que mon cœur se serra douloureusement à la vue du minuscule corps inerte tombé à mes pieds. D'un geste tremblant et difficile, je déposai le Botruc au creux de mes mains, incapable de détourner mon regard de lui - bien que le spectacle fusse terrible. Mes oreilles sifflaient terriblement, dissimulant à mon esprit brumeux le vacarme du combat qui continuait de faire rage autour de moi.

Mes lèvres se mirent à trembler quand, à défaut d'être réellement conscient du présent, mon cerveau me reconduisit vicieusement dans des souvenirs qui rendaient la vision du cadavre posé sagement entre mes deux paumes encore plus insupportable. Combien de fois les conseils de cette petite créature incroyablement talentueuse m'avaient-ils tiré d'affaire ? J'étais actuellement bien incapable de le dire mais la liste était longue, pour sûr.

Le Mangemort dans le bar, le livre d'Ether, les entraînements pour rompre le maléfice, mais aussi...

Ce fut à cet instant que je fus brutalement reconnectée à la réalité, alors que mes oreilles à demi-fonctionnelles captèrent un bruit dangereusement proche de ma personne, bruit qui m'obligea par ailleurs à tourner le buste d'un quart pour permettre à mes yeux d'atteindre leur cible. Je glapis et esquissai un bond en avant en apercevant derrière moi, le corps d'un Mangemort s'affaisser sur les dalles poussiéreuses, finissant son mouvement dans une position étrange, presque comique, quoique légèrement lugubre. Son regard, vide et dénué de vie, était tourné dans ma direction. Instinctivement, je me retournai vers l'ennemi qu'avait tué Marlow en lui transperçant les orbites mais ce dernier n'avait pas bougé d'un millimètre, son visage face contre le sol baignant dans une mare de sang.

Mon estomac fut parcouru d'un soubresaut qui me contraignit à me plier en deux, me retenant de peu de vider le contenu de mon ventre. Si mon esprit était totalement à la ramasse face à ces deux corps désarticulés jonchant le sol à quelques mètres de moi, mes yeux, alertes, captèrent un mouvement vers le bout du couloir dans lequel je me trouvais. Mes sens aux aguets me poussèrent à me redresser, bien que mon estomac encore tourmenté menaçât à tout moment de me faire faux bond. Je vis quelqu'un disparaître au recoin du corridor et ce fut si bref que je crus un court moment que mon cerveau m'avait joué un tour.

N'était-ce pas une cape noire que je venais de voir se volatiliser avec l'individu à quelques dizaines de pas de moi ?

-Sev... Severus ? bredouillai-je, perdue, d'une voix rauque, embrouillée par toutes les émotions qui malmenaient mon corps.

Je ne saurais dire à ce moment si je délirais ou non, mais je laissais mon instinct me guider - ma raison étant bien incapable de me gérer pour le moment : me soutenant au mur le plus proche, je réussis difficilement à me remettre debout et mes jambes, d'abord dangereusement flageolantes, finirent par se stabiliser sous moi. Je lançai un regard embué au Botruc qui reposait encore dans l'une de mes mains.

-Je suis désolée, murmurai-je d'un ton enroué.

Une larme coula le long de ma joue mais je ne laissai pas le temps au chagrin de s'installer. Délicatement, pour ne pas abîmer le corps du défunt, je le glissai dans une des poches internes de ma robe, ne pouvant me résoudre à l'abandonner ici. Puis, je récupérai ma baguette, essuyai mes joues pourtant sèches de larmes d'un revers de manche et me mis en marche, en direction de l'endroit où j'avais vu disparaître l'inconnu - Severus, me soufflait une petite voix dans ma tête. Derrière moi, les deux Mages Noirs gisaient, définitivement écartés du combat.

Je tournai au détour du corridor et m'attendant presqu'à ne trouver personne, je faillis émettre un cri de surprise en apercevant une silhouette, faire disparaître d'un geste de sa baguette le verre qui séparait l'intérieur de Poudlard de la nuit pleine de rage et de douleur. Sans marquer de temps d'hésitation, elle s'avança jusqu'au rebord de la fenêtre, s'apprêtant à sauter - ou du moins à quitter le château, je n'en savais plus rien. En tout cas, la vision de ce mouvement me figea d'horreur.

The Dove & The Crow [Harry Potter]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant