Chapitre 16 - L'été des morts (1/3)

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Mercredi 19 Juin 1996 :

La silhouette de Remus, éclairée par un unique brasier qui crépitait dans l'âtre de la cheminée, paraissait plus frêle que jamais. Les épaules basses et le corps parfaitement immobile, l'homme semblait perdu dans la contemplation des flammes qui dansaient devant ses yeux. J'hésitai à entrer dans la pièce, fixant tristement celui qui était devenu au fil des ans bien plus qu'un simple coéquipier - un véritable ami. La voix d'Alastor me parvenait faiblement de la cuisine, où il faisait le terrible récit des derniers évènements aux membres de l'Union n'ayant pas participé au combat. Ce fut lorsque j'entendis les sanglots horrifiés de Molly que je me décidai d'entrer dans la pièce, fermant soigneusement la porte derrière moi et étouffant au passage les pleurs de Mme Weasley qui m'avaient arraché des frissons.

Si Remus avait décelé ma présence, il n'en fit rien paraître et son regard ne se détacha pas de la cheminée, pas même lorsque je vins m'assoir à côté de lui, sans prononcer un mot. Mon regard survola son visage, dont la pâleur n'était qu'accentuée par la lumière orangée émise par le foyer. La vue des larmes sillonnant ses joues creusées me boulversa et je fus incapable de garder plus longtemps mes yeux rivés sur lui. À défaut de pouvoir parler, je posai ma main sur son bras et ce contact sembla le faire sortir de sa léthargie.

«-Sais-tu pourquoi nous avons renommé l'Ordre lors de sa refondation ?»

Sa voix était rauque et sa gorge faible d'avoir pleuré. Cependant, il avait posé sa question d'une traîte, sans trembler. Je mis un certain temps avant de répondre, pesant mes mots :

«-Je crois que vous souhaitiez reconstruire quelque chose de nouveau, ne pas simplement reproduire le passé.»

Il hocha la tête, en signe d'approbation.

«-L'idée nous a paru bonne. L'Union du Phénix... aux oreilles de tous, cela sonnait mieux, parce que, dans le mot "union", nous avons placé ce jour-là tous nos espoirs. Nous savions que ce qui s'était passé avec l'Ordre allait se reproduire, c'était inéluctable. Seulement, nous voulions paraître plus fort, nous persuader nous-même que tout irait bien, que tout serait mieux. Et lorsque... lorsque Sirius a intégré nos rangs, j'ai vraiment cru, moi aussi, que le passé était définitivement derrière nous, que toutes les horreurs que nous avions vécues ne se reproduiraient pas. Au fond, nous étions trop faibles pour affronter la réalité.

-Je ne pense pas que ce changement se soit fait par faiblesse, dis-je doucement - mes yeux perdus à leur tour parmi les flammes dansant dans l'âtre de la cheminée. Au contraire, c'était un acte de courage. Sachant ce que vous aviez vécu et ce que vous risquiez à nouveau, vous avez tout de même rebâti quelque chose, quelque chose de solide.

-Mais pas infaillible, ajouta Remus et sa voix n'était alors pas plus forte qu'un murmure.»

Je battis plusieurs fois des paupières, sentant les larmes me monter aux yeux.

«-Non, pas infaillible.»

Il y eut un silence, avant que Remus ne reprenne, tournant la tête vers moi :

«-Sais-tu la dernière chose qu'il m'a dite ?»

Je levai les yeux sur lui et nos regards se croisèrent. Je secouai la tête, me mordant les lèvres pour les empêcher de trembler.

«-Peu avant que le combat ne se lance, il m'a dit : "Comme au bon vieux temps, Lunard". Et il a souri. Son filleul était en danger de mort, nous étions en parfaite illégalité d'intervenir au Ministère et des Mangemorts menaçaient de nous tomber dessus à tout moment mais il a souri. Parce qu'à ce moment, ce qui comptait à ses yeux, c'était que nous étions ensem...»

The Dove & The Crow [Harry Potter]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant